Agadez : une zone de massifs montagneux

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Agadez, 15 Déc (ANP) – Le massif se présente comme un monde à part et original. Il est cerné de tous les côtés par des plaines, sauf au nord où il se raccorde à l’enceinte tassilienne de l’Ahaggar. Le massif s’étend sur 400 kilomètres du nord au sud. Il est formé d’une pénéplaine granito-gneissique inclinée vers le sud-ouest surmontée de massifs isolés aux parois abruptes de forme grossièrement circulaire, dont les ‘’younger granités’’ ont émergé au Jurassique, selon un jeu de failles annulaires.

Sur le granite, sont venues se surimposer des formes volcaniques récentes: coulées basaltiques recoupées par le réseau hydrographique actuel et par conséquent antérieures à lui, et coulées basaltiques postérieures insérées dans le moule des vallées ou prenant sur les sommets la forme de cônes ou d’aiguilles volcaniques.

L’Aïr, dont les plus hauts sommets se trouvent sur la bordure orientale, possède un réseau hydrographique dissymétrique qui traverse le massif dans une direction générale est-ouest ; il représente un toit qui rassemble et collecte les eaux de ruissellement vers les immenses plaines d’épandage de l’ouest et du sud où vivent les nomades du Tamesna et de l’Irhazerwan’Agadez. ‘’Au nord d’Agadez, le massif de l’Aïr ne s’élève pas brusquement. C’est avant tout un plateau coupé de longues vallées, où les bois de palmiers doums et d’acacias font d’interminables galeries d’ombre et de verdure. Sur ce plateau, pointent des massifs bleuâtres ou mauves dont le relief est à peine raccordé à la pénéplaine rocailleuse par les coulées de lave, les cônes volcaniques, de falaises abruptes, pics dentelés, amoncellements de blocs granitiques. Chacun de ces bastions, Tarrouadji, Bagzan, Adrar Billet, Aguellal, Agamgam, Tamgak, Greboun, est un monde isolé, difficilement accessible, mais où se trouvent des sources et des palmeraies.

De la pénéplaine, à une altitude comprise entre 500 et 900 m, se dressent d’un jet de pierre ces bastions de 1 500 à 2 000 m, le mont Bagzane dont le point culminant, Idukal-n-Tagues, s’élève à une altitude de 2. 022 m, alors que le Mont Greboun, qui figura longtemps sur les cartes comme le plus haut sommet, n’atteint que 1945 m. L’Aïr est plus arrosé que les plaines qui l’environnent: les isohyètes, à son approche, remontent vers le nord, ce qui correspond à un accroissement des pluies de mousson: l’altitude ici corrige la latitude, et le sud-ouest de l’Aïr, partie la plus arrosée du massif, peut recevoir un total annuel de 180 à 200 mm.

Les cultures préhistoriques les mieux représentées appartiennent au Néolithique; la périphérie de l’Aïr, plus accessible, est toujours mieux connue que l’intérieur des massifs et les vallées.

L’art rupestre : sur les traces de l’histoire des premiers habitants de la zone des massifs

L’art rupestre est très abondant dans les massifs et sur les bordures, ou c’est en ces endroits qu’il est le mieux connu. On rencontre presque exclusivement des gravures dont la présence est également liée à la nature du support, la roche la gréseuse, plus favorable que la roche granitique.

L’Aïr est un massif très anciennement peuplé où sont partout visibles les traces d’une occupation ininterrompue depuis la période préhistorique. Des zones aujourd’hui totalement désertiques, où l’absence d’eau rend toute vie impossible, livrent les traces d’une vie intense au néolithique. Les parois rocheuses portent des gravures rupestres retraçant la vie pastorale de civilisations successives lors des périodes bovidienne, chevaline et libyco-berbère, qui étaient plus humide. Les relevés effectués attestent l’extraordinaire richesse de ce massif parsemé également de tombeaux préislamiques de formes circulaires à semi-circulaires, groupés sur les plateaux ou sur surfaces rocheuses.

D’après les traditions, les premières infiltrations touarègues furent celles des Igdalan et des Iberkorayan. Les Kel Owey participent à un courant migratoire de la fin du XIVème siècle qui a été précédé, au XIème siècle, par celui des Isandalan dont les Itesayan constituent le clan majeur, et par celui des Kel Geres au XIIème siècle. Si toutes les traditions s’accordent à dire que les Isandalan et les Kel Gress viennent de Cyrénaïque et particulièrement d’Awjila, elles divergent en ce qui concerne les Kel Owey: venus également d’Awjila selon certaines traditions, de l’Ahaggar et de Libye, ou descendants des Urayan du Tassili n Ajjer.

Avant l’arrivée des Touaregs, l’Aïr était probablement peuplé de Noirs dont un des groupes haoussaphones du sud (Gobirawa, Katsinawa). L’archéologie qui montre que ces populations préislamiques possédaient souvent un habitat sédentaire apportera des renseignements intéressants sur des techniques aujourd’hui disparues (forage de puits, teinture, céramique, métallurgie). Les groupes berbères, ayant pénétré successivement dans l’Aïr, refoulent ou assimilent partiellement les populations noires anciennes: elles occupent à l’intérieur du massif des espaces bien délimités qui se réajustent après de nouvelles arrivées. Les Isandalan, qui comprennent Itesan et Imakitan prennent respectivement place dans le nord et l’ouest de l’Aïr; le chef des Itesan, l’Ayumbulu, réside à Asode. Les Kel Gress, venus plus tard, occupent le versant occidental et leur territoire recouvre celui des Imakitan. Les Kel Owey qui les suivent repoussent les Itesan au sud et au sud-est en s’installant dans le nord-est du massif. Comme l’a très bien montré Djibo Hamani (1985), cette pénétration ne s’est pas faite par vagues successives nord-sud, mais avec de petits groupes familiaux venus par étapes jusque dans l’Aïr, où ils se sont constitués en confédérations ou en tribus dont les noms sont souvent issus de toponymes locaux. Certains groupes seraient venus de l’ouest, en particulier les Kel Tadamakkat dont les tribus, citées par l’historien arabe Ibn Hawqal (Xe siècle), sont connues aujourd’hui dans l’Aïr. Les Kel Owey auraient, eux, fait étape au Djado, avant de pénétrer le massif par son versant oriental, ce qui explique leur implantation dans le nord-est. Les KelFerwan, arrivés à la même époque, occupent la région d’Iferwan, avant de gagner le sud. Les KelFadey, originaires de l’Ahaggar ou de Ghât selon certaines traditions, s’installent dans la région de Fadey, au nord de l’Aïr. D’autres groupes, originaires de l’Ahaggar (Kel Tamat, Ikazkazan, Kel Yarus) et de l’Adrar des Iforās surviennent à leur tour. Enfin, au XIXe siècle, arrivent les tribus que l’administration appellera ‘’Hoggars de l’Aïr’’. Les Taytoq et plusieurs autres tribus de l’Ahaggar, eux, sont arrivés au début de ce siècle.

Ces mouvements provoquent bien entendu une remise en place des groupes: les Illisawan, au XVIIe siècle, gagnent la région de Keita dans l’Ader ; les Imuzzurane vont s’installer dans le Damergou ; les Itesan et les KelGress s’établissent au XVIIIe siècle dans l’Ader méridional et le Gober Tudu ; alors que les Imakitan occupent le Kutus (arrondissement de Gouré).

A l’intérieur de l’Aïr, les Kel Ferwan effectuent aussi un glissement vers le sud: ils quittent Iferwan et s’installent, au XVIIIe siècle, dans la région d’Agadez et d’Aderbissinat, alors que les Kel Fadey prennent la place qu’ils occupaient encore autour d’In Gall.   L’Aïr a été islamisé par l’ouest d’où sont originaires les fondateurs des principales mosquées (Tefis, Takriza, Agalal). Tous les groupes touaregs ont laissé des traces de leur solide fixation en Aïr, avec des ruines de villages et de mosquées construits en pierres.

AH/SML/ANP/081/Décembre 2023

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