Mission de l’UFL au Burkina Faso : Combattre la menace terroriste
(Dalatou Mamane, envoyé spécial de l’ANP)
Niamey, 18 Sept (ANP)- Une mission de l’Unité de Fusion et de liaison (UFL ; coordination des services de renseignements des pays du Sahel pour la lutte contre le terrorisme et le crime organisé), a séjourné au Burkina Faso, en vue d’évaluer et de jauger le dispositif sécuritaire de ce pays pour la lutte contre l’insécurité au Sahel.
Le pays des hommes intègres est sur pied de guerre, tout comme les autres pays du Sahel en vue de faire face au terrorisme et à l’insécurité en général, qui écume tous les pays du sahel, en particulier ceux voisins du Mali, pays qui a connu une invasion des djihadistes dans sa partie septentrionale.
Les autorités militaires et civiles burkinabé ont un et même langage, eu égard à la lutte contre le terrorisme et l’insécurité en général, celui de la détermination à mener un combat sans merci contre ce mal sans visage.
« Nous avons pris des dispositions sécuritaires pour faire face à ce phénomène qui n’épargne, de nos jours, aucun Etat », indique le général Gilbert Diendéré, le chef d’Etat-major particulier de la présidence du Faso, Directeur des services de renseignements, en recevant l’équipe de journalistes de huit pays membres de l’UFL et des responsables de cette unité de lutte contre l’insécurité au Sahel.
Le général burkinabé explique que son pays était épargné, jusqu’ici contre des attaques terroristes consécutives à la guerre au nord Mali, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut baisser la garde.
« Nous restons vigilants et sur le qui-vive, car tout peut arriver», affirme le général Diendéré, qui s’est dit « confiance » quant au retour de la paix au Mali.
« Nous avons déployé tous les efforts possibles pour que l’élection présidentielle ait lieu au Mali et les maliens ont élu une personne à qui ils font confiance. Nous avons espoir que le nouveau président malien sera à la hauteur de la tache de réconciliation nationale », fait-il remarquer.
Prudence et détermination ont aussi été les propos du chef d’Etat-major général des armées, le général Honoré Nabéré Traoré.
« La riposte contre le terrorisme et l’insécurité en général, doit être globale. La solidarité doit jouer entre les pays voisins du Mali afin de venir à bout de l’insécurité sous toutes ses formes », préconise-t-il.
Pour le cas de son pays, le chef d’Etat- major général des armées a révélé, sur le plan sécuritaire, la mise sur pied d’un groupement de forces anti-terroristes le long de la frontière avec le Mali.
« Nous n’avons pas connu d’attaque terroriste, mais nous sommes en concertation régulière avec nos voisins en vue de mutualiser nos renseignements », soutient le chef d’état-major des armées burkinabé.
Mais comme il est établi désormais que la lutte anti-terroriste devait revêtir plusieurs facettes, le ministre de la Communication s’invite dans le débat sur la problématique de lutte.
« C’est une lutte mondiale qui doit s’engager », fait remarquer Alain Edouard Traoré, qui ajoute que son pays a signé toutes les conventions internationales de lutte contre le terrorisme.
Le ministre se réjouit par ailleurs que les medias burkinabés, tous bords confondus, participent à la sensibilisation des citoyens sur le méfait de l’insécurité, aussi bien sur la paix sociale en général que sur l’économie en particulier.
Mieux, le ministre de la communication annonce que « l’Université africaine de la Communication » qui se tiendra à Ouagadougou en novembre prochain, sera une occasion pour des spécialistes de la communication du monde entier, de débattre de l’insécurité à travers le thème déjà choisi : « Communication, Paix et Démocratie. »
« Ce sera l’occasion, pour les ministres en charge de la communication, de débattre, entre autres, de la problématique de lutte contre le terrorisme par les medias, car la lutte est désormais multidimensionnelle », estime le ministre burkinabé de la Communication, porte-parole du gouvernement.
Il ajoute également que dans un monde moderne, celui qui ne maitrise pas la communication ne peut plus gouverner.
Initiative burkinabé, l’Université africaine de la communication, est une rencontre biannuelle qui a lieu à Ouagadougou où les spécialistes de la communication et des medias se rencontrent pour échanger sur la problématique de la communication.
Pour sa part, le ministre en charge de la Sécurité publique dira que ses services mènent une lutte acharnée contre le banditisme sur les axes routiers et contre la propagation des armes. « Nous sommes voisins des pays ayant connu la guerre notamment le Mali et la Côte d’Ivoire ; nous devons être vigilants quant à la propagation des armes sur nos frontières », a averti Jérôme Bougouma.
Selon lui, le Burkina Faso étant un petit pays, géographiquement, il est facile de détecter toute présence étrangère et de mouvement suspect de véhicule sur son territoire.
« Nous avons mis en place des brigades de surveillance dans tous les villages, si bien que tout mouvement suspect est immédiatement signalé à la portion centrale », rassure M. Bogouma.
Une autre menace qui taraude les esprits des dirigeants burkinabé, ce sont les jeunes sans emploi et les associations religieuses. D’où, les lieux de distraction des jeunes sont étroitement surveillés et le contenu de certains prêches minutieusement suivi.
« Heureusement, nous avons un islam modéré qui prêche la paix et les valeurs de tolérance, et les musulmans burkinabés sont respectueux de leur hiérarchie », se réjouit le ministre.
Ces propos sont confirmés par Cheikh Moazé, guide spirituel des soufis qui affirme que l’Islam est une religion de tolérance, de paix et de l’amour du prochain.
« Nous enseignons à nos fidèles, le vrai message que véhicule le coran ».
Guide écouté et respecté, cheikh Moazé anime une zawiya dans la banlieue nord de Ouagadougou, que des centaines des fidèles (hommes, femmes et enfants), prennent d’assaut à chaque appel de prière.
Homme courtois et d’une modestie exemplaire, Cheikh Moazé fait la fierté aussi bien des autorités politiques de son pays que de ses adeptes à qui il enseigne la paix, la tolérance ainsi que toutes les valeurs positives de la société.
Cheikh Moazé incarne l’islam modéré. Il voyage fréquemment à l’étranger et visite régulièrement villages, campements et hameaux du Burkina Faso pour prêcher la parole de Dieu.
La lutte contre l’insécurité aux pays des hommes intègres, c’est aussi la mission que s’est donnée la Direction générale de la Sécurité intérieure.
Pilotée par le Colonel Omer Bationo, cette Direction a eu une idée géniale, celle de mettre en place un système de vidéo surveillance sur la ville de Ouagadougou qui permet de surveiller les activités et mouvements des délinquants, afin de « tuer la menace dans l’œuf ».
Des patrouilles discrètes sont menées à travers la ville et une salle de gestion de crise a été installée où des éléments de défense et de sécurité se réunissent à la moindre menace pour se partager les renseignements et adopter les mesures urgentes à prendre.
« Nous faisons la promotion de la police de proximité à travers l’installation d’un numéro vert pour signaler tout comportement suspect », affirme le Colonel Omer Bationo, ajoutant que les populations collaborent bien puisque le numéro reçoit plus de 1000 appels par jours.
Autre avancée significative dans la lutte contre l’insécurité au Burkina Faso ; le Directeur de la Sécurité intérieure rapporte qu’en cas d’attaque à Ouagadougou, quinze minutes seulement suffisent pour boucler toute la ville, ceci grâce aux différents dispositifs mis en place depuis les événements du nord Mali.
Mieux, il annonce le recrutement prochain de 2600 policiers, gendarmes et militaires pour renforcer le dispositif.
Et comme entre la lutte contre l’insécurité et l’arrivée massive des refugiés, la frontière n’est pas isolable, la délégation de l’UFL a visité plusieurs camps de réfugiés installés en territoire burkinabé.
Le Burkina Faso accueille sur son sol, 50 .000 réfugiés maliens répartis dans trois grands camps.
La délégation de l’UFL s’est ainsi transportée à Ouahigouya, région du nord, afin de s’enquérir de la situation des réfugiés dans cette région, frontalière avec le Mali.
Dans cette région, située à la lisière du Sahel, la crise malienne a fait naitre beaucoup de problèmes. C’est une région de transit, car il Ya peu d’espace pour fixer les réfugiés, donc ce n’est pas une zone adaptée pour recevoir des refugiés.
Néanmoins, à leur arrivée en avril 2012, certains réfugiés étaient venus avec leur bétail, ce qui a provoqué un conflit avec les populations autochtones, au sujet des points d’eau et des terres de pâturages.
Progressivement, ils sont descendus vers le sud, où le pâturage est abondant et l’accueil un peu plus fraternel.
En dépit de cette situation un peu conflictuelle, 1500 réfugiés maliens sont restés dans la région de Ouahigouya, éparpillés dans le chef-lieu de région. Certains sont logés par des parents d’autres installés à leur propre compte.
Mais comme un malheur ne vient jamais seul, les autorités régionales de Ouagouhiya ont saisi 4800 tonnes de drogues, destinés au nord Mali en 2012, au plus fort de la crise malienne.
Cette quantité importante de drogues était destinée à la vente, pour entretenir les troupes et à la consommation pour galvaniser le moral des combattants djihadistes.
« Nous n’avons pas vu venir la crise. Nous sommes sur la ligne de front. Nous avons des lacunes du fait de la porosité de nos frontières. L’autre problème important est le passage de nos forces de défense et de sécurité, de la phase classique de défense à la phase opérationnelle », déplore le gouverneur Khalil Bara.
Le gouverneur Bara dit faire « très attention » aux mouvements des refugiés éparpillés dans la ville et aux jeunes désœuvrés qui peuvent être réceptifs aux messages de la violence, « pour des raisons alimentaires ».
C’est peut-être pour cette raison que les autorités burkinabé ont décidé de n’autoriser que trois camps de réfugiés sur leur territoire. Parmi ces camps, celui de Goudébou, qui compte 10.000 réfugiés, qui est installé dans la région de Dori.
Ce camp est équipé d’un centre d’accueil, d’un dispensaire avec maternité, d’une école de six classes, jusqu’au CM2, qui compte 1363 élèves et d’un centre de formation.
Coté ration alimentaire, le HCR fournit 12 kg de riz par personne et par mois et un quart de litre d’huile.
Tout ceci est insuffisant, aux yeux des occupants de cette terre, venus précipitamment de la région de Gao, fuyant l’avancée des djihadistes et craignant les exactions de l’armée malienne, composée en grande partie de guerriers noirs pour qui, toute peau blanche est synonyme de la rébellion.
« Nous mangeons très mal ; la ration est insuffisante, le HCR doit multiplier les points de distribution des vivres », se plaint Rissa Mohamed El-Mahdi, 55 ans, président du Comité de gestion du camp, ancien Maire de Hari Bangou, une localité du nord Mali.
« Comment allons-nous faire avec du riz blanc, sans condiment et en petite quantité ? », s’est interrogée pour sa part, Mme Fadima, présidente du Comité de femmes réfugiées de Dori.
Toutes ces réactions ont été balayées d’un revers de main par l’administrateur du camp, Innocent Ouédraogo, qui estime que le HCR fait de son mieux pour aider les réfugiés à mener une vie décente.
Les critiques se font encore plus vives au camp de Saagniogniogo qui accueille 3000 réfugiés, à une quarantaine de kilomètres de la capitale burkinabé.
« Les travailleurs humanitaires ne nous respectent pas ; on est blessés dans notre dignité ; on est des humains, mais on ne nous traite pas comme tel », déplore, furieuse, Fadimata Walet Oumar, originaire de Tombouctou, présidente des femmes de ce camp de réfugiés.
Avant sa fuite vers le Burkina Faso, elle était présidente d’une association de femmes et une actrice très écoutée de la chanson touareg.
Elle était chef d’un orchestre de chant et danse traditionnels, de six membres. Le groupe s’est disloqué dans sa débandade. Deux membres sont partis en Mauritanie, deux sont restés au Mali et deux, dont la chef d’orchestre, se sont retrouvés en terre burkinabé.
« Je suis invitée à donner un concert en Italie, mais je n’arrive pas à avoir de visas pour mes collègues dont certains ne donnent plus signe de vie », se lamente-t-elle.
Ceci n’est pas la seule déconvenue de Fadimata Walet Oumar. Elle a abandonné, dans sa fuite du nord Mali, son père, un vieillard de 90 ans, dont elle est sans nouvelle. « Je pleure chaque fois que je pense à lui », dit-elle, larme à l’œil.
« Je veux retourner au pays quand la vraie paix va revenir, mais je ne veux pas qu’on me traite de rebelle, je ne suis pas une rebelle, je veux vivre seulement en paix », fulmine Fadimata Walet Oumar.
Des refugiés en terre burkinabé, il y en a aussi à Bobo Dioulasso, où ils vivent en parfaite symbiose avec les populations autochtones.
Il n’ya cependant pas de camp de réfugiés ni à l’intérieur, ni aux environs de cette agglomération, jadis carrefour caravanier et important centre de commerce ouest-africain.
Ils sont environ 2000, disséminés dans la ville de Bobo où ils tentent d’adopter le même rythme de vie que les locaux, puisque pour eux, le retour est de plus en plus incertain.
Sidinali Alphadi Ali Mohamed est le président de la communauté de réfugiés maliens à Bobo. Originaire de Tombouctou, mais résidant à sévaré où il développait un commerce florissant, il n’a pas hésité à abandonner son négoce, un soir de 3 Février 2912, pour trouver refuge à Bobo.
La vie de refugié est certes difficile à vivre, mais Sidinali est fier d’avoir fui sévaré avec sa femme et ses cinq enfants, qui vivent à ses côtés à Bobo, dans une modeste maison qu’il loue à 40.000 Fcfa.
Son compte bancaire de Bamako était garni, lorsque la paix régnait sur chaque mètre carré du territoire malien, mais à l’épreuve de temps, il se trouve aujourd’hui sans ressource et le retour au pays natal n’est pas à l’ordre du jour, « tant que la paix véritable ne sera pas de retour à sévaré ».
DMM/ANP/ Sept 2013