RAPPORT SUR L’ÉTAT DES NÉGOCIATIONS DE LA ZONE DE LIBRE-ECHANGE AFRICAINE (ZLECAf) PRÉSENTÉ À LA 31e SESSION ORDINAIRE DE LA CONFÉRENCE DES CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT DE L’UNION AFRICAINE,1 – 2 JUILLET 2018, NOUAKCHOTT, MAURITANIE PAR SON EXCELLENCE M. ISSOUFOU MAHAMADOU, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU NIGER ET LEADER DU PROCESSUS DE LA ZONE DE LIBRE ÉCHANGE CONTINENTALE AFRICAINE (ZLECAf) Son Excellence Monsieur Paul KAGAME, Président de la République du Rwanda, Président en Exercice de la Conférence de l’Union Africaine,Excellence Monsieur Mohamed ABDELAZIZE, Président de la République Islamique de Mauritanie ;Excellences Messieurs les chefs d’État et de Gouvernement;Excellence Monsieur Moussa FakiMahamat, Président de la Commission de l’Union africaine;Mesdames et Messieurs,
Excellences, la 28ème session de notre conférence tenue à AddisAbaba en Janvier 2017 m’a fait l’honneur de me désigner comme champion chargé du suivi du processus de négociation de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf).
Dans ce cadre je me dois de rendre compte à votre auguste assemblée, à chacune de ses sessions, des progrès réalisés.
Je suis heureux de vous présenter aujourd’hui mon rapport d’étape, couvrant le deuxième trimestre de l’année 2018 et les perspectives pour les mois à venir.
Mon rapport d’aujourd’hui portera donc sur les activités qui se sont déroulées depuis le sommet historique de Kigali de mars 2018, où 44 États membres ont signé l’accord de la ZLECAf. J’évoquerai ensuite quelques perspectives.
I. FAITS NOUVEAUX INTERVENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DE MARS 2018 À JUIN 2018
1. Lors du Sommet extraordinaire de Kigali, en mars, après la signature de la ZLECAf, nous avons demandé aux Ministres du Commerce de l’UA de:
• soumettre les annexes au Protocole sur le commerce des marchandises, les annexes au Protocole sur le règlement des différends et la liste des secteurs prioritaires sur le commerce des services à l’adoption de la présente session de la Conférence;
• présenter les listes de concessions tarifaires (annexe 1) et les listes d’engagements spécifiques sur le commerce des services conformément aux modalités convenues à l’adoption de la session de la Conférence de janvier 2019 ; et
• conclure les négociations sur la politique de concurrence, l’investissement et les droits de propriété intellectuelle et soumettre les projets de textes juridiques à la session de la Conférence de janvier 2020 pour adoption par le biais du Comité technique spécialisé sur la justice et les affaires juridiques.
Toilettage juridique des annexes et des appendices
2. Les négociateurs de la ZLECAf ont tenu deux réunions assistées par des experts juridiques : la première à Addis-Abeba du 30 avril au 12 mai 2018 et la deuxième à Dakar du 25 au 31 mai 2018. Au cours de ces deux réunions ils ont examiné les projets d’annexes au Protocole sur le commerce des marchandises. À la fin de ces deux réunions, les annexes suivantes du Protocole sur le commerce des marchandises sont prêtes pour adoption:i) Annexe 2 sur les règles d’origine;ii) Annexe 3 sur la coopération douanière et l’assistance administrative mutuelle;iii) Annexe 4 sur la facilitation des échanges;iv) Annexe 5 sur les barrières non tarifaires;v) Annexe 6 sur les obstacles techniques au commerce;vi) Annexe 7 sur les mesures sanitaires et phytosanitaires;vii) Annexe 8 sur le transit ; etviii) Annexe 9 sur les mesures correctives commerciales.
3. Lors de la réunion de Dakar du 25 au 31 mai 2018, le forum de négociation de la ZLECAf et les experts juridiques ont également achevé le toilettage juridique des annexes au Protocole sur le règlement des différends qui sont également prêtes pour adoption. il s’agit de :
i) L’Annexe 1 sur les procédures de travail du Groupe spécial;ii) L’Annexe 2 sur l’examen par des experts ; etiii) L’Annexe 3 sur le Code de conduite à l’intention des arbitres et des membres des groupes spéciaux.
4. Certains États membres attendaient que ces annexes soient légalement toilettées et adoptées avant la signature et la ratification de l’accord. C’est désormais chose faite.
Listes de concessions tarifaires et modalités
5. Au sujet des modalités, vous vous rappelez, Excellences, que les Ministres du Commerce de l’UA ont approuvé les modalités en juin 2017 à un niveau d’ambition de libéralisation tarifaire de 90% alors que sept (7) de nos États membres demandaient 85 %. Lors de leur réunion du 3 au 4 juin 2018 à Dakar (Sénégal), les Ministres du Commerce de l’UA ont délibéré sur les pourcentages proposés pour les produits sensibles et les listes d’exclusion. Les listes d’exclusion concernent les lignes de produits qui ne seront pas libéralisés dans le cadre de la ZLECAf tandis que les listes sensibles sont les lignes de produits soumises à un calendrier de libéralisation plus long.
6. Les ministres sont convenus que les États membres se consulteraient, au niveau national et dans certaines communautés économiques régionales d’ici la fin du mois de septembre 2018, afin de prendre une décision finale. Je voudrais inviter cette Conférence à fournir des orientations politiques sur cette question afin que nous ne retardions pas le processus de travail de la ZLECAf.
7. À mon avis, la liste d’exclusion entravera la croissance du commerce intra-africain et nous devrions à cet égard la décourager. Nous pouvons toutefois accommoder la liste des produits sensibles de sorte qu’il y ait un processus graduel de libéralisation sur une dizaine d’années afin de permettre aux États membres d’apporter les ajustements appropriés. Cette approche est conforme à la pratique existante dans nos Communautés Economiques Régionales. Les recherches menées par nos partenaires stratégiques, la CNUCED et la CEA, ont montré que notre commerce se concentre sur 30 lignes tarifaires. Or, l’exclusion de 1% équivaut au blocage du commerce dans environ 53 lignes tarifaires. Cela a donc pour effet de réduire les niveaux actuels du commerce interafricain alors que notre désir est de l’accroître. Ceci va évidemment à l’encontre des objectifs de la ZLECAf. Je propose par conséquent au sommet qu’il n’y ait pas de liste d’exclusion.
8. A Dakar, les Ministres du Commerce ont également examiné les propositions concernant les secteurs prioritaires pour la libéralisation du commerce des services. Parce qu’ils facilitent l’intégration, les secteurs suivants ont été approuvés comme secteurs prioritaires pour la libéralisation:i) Services financiers,ii) Services de télécommunication,iii) Services de transport,iv) Services touristiques, etv) Services aux entreprises.
Négociations de la phase 2 de la ZLECAf
9. Excellences, lors de notre Sommet extraordinaire de mars 2018 à Kigali, vous avez également demandé à la Commission de pousser à la une conclusion rapide sur les questions restées en suspens de la phase 1.
10. J’ai le plaisir d’annoncer que les Ministres du Commerce de l’UA ont convenu de toutes les questions qui seront inscrites à l’ordre du jour préétabli et ils ont approuvé le programme de travail transitoire modifié, notamment l’élaboration de listes d’engagements spécifiques sur les services, les listes de concessions tarifaires, les Règles d’origine, les critères et lignes directrices sur le traitement des marchandises provenant de zones économiques spéciales. Les lignes directrices de la ZLECAf sur les mesures correctives commerciales ont également été incluses dans l’ordre du jour préétabli et elles devraient être approuvées lors de notre prochain Sommet en janvier 2019, avec les autres questions mentionnées ci-dessus.
11. Excellences, on s’en souvient de ce que sept (7) de nos États membres, ont demandé la libéralisation tarifaire à 85% et non à 90% comme convenu. Par rapport à cette question, la récente réunion des Ministres du Commerce de l’UA à Dakar a recommandé que je tienne une réunion spéciale en marge de ce Sommet avec les chefs d’État et de gouvernement de ces sept (7) pays et de vous en faire rapport en janvier 2019. Cette réunion se tiendra ici même aujourd’hui à 15 heures.
12. S’agissant de la phase 2 sur la politique de concurrence, l’investissement et les droits de propriété intellectuelle j’ai le plaisir de vous annoncer que le processus de négociation a démarré
Appropriation de la ZLECAf et le Plan d’Action pour l’intensification du commerce Intra-africain
13. Je puis vous rassurer que le processus de ratification est sur la bonne voie. D’ores et déjà, le Kenya et le Ghana ont été les premiers à déposer simultanément leurs instruments de ratification le 10 mai 2018. Le Rwanda a déposé ses instruments de ratification le 27 mai et a été le premier à déposer les instruments de ratification du Protocole sur la libre circulation des personnes. Le Niger a déposé ses instruments de ratification le 8 juin 2018.
14. La dernière réunion des Ministres du Commerce de l’UA tenue du 3 au 4 juin 2018 à Dakar (Sénégal) a décidé d’établir des comités nationaux sur la ZLECAf ou d’utiliser les structures existantes et appropriées. Ces comités seraient, entre autres composés de parlementaires, de représentants du secteur privé, de la société civile, du monde universitaire, des jeunes, des femmes, des travailleurs, des commerçants transfrontaliers. Ils seront chargés du suivi, de l’évaluation dans chaque pays, de la mise en œuvre de la ZLECAf. Nous pouvons, avec votre permission, demander à notre Commission d’élaborer un projet de canevas de rapport à soumettre à notre examen lors du Sommet de janvier 2019.
15. La mobilisation des parties prenantes sur la ZLECAf a déjà été entamée. Au début du mois de mai, le Président de la Commission de l’Union Africaine, le Commissaire aux Affaires Politiques et le Commissaire au Commerce et à l’Industrie ont mobilisé le Parlement Panafricain sur la ZLECAf et le Protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement.
16. Au sujet de la mobilisation du secteur privé dans la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine, la Commission de l’Union Africaine s’est associée au Club des Afro-Champions pour promouvoir la sensibilisation du secteur privé africain à l’échelle du continent.
17. Excellences, j’ai pris la parole par liaison vidéo lors de la réunion des Ministres des Finances, de la Planification du Développement et de l’Intégration, organisée par la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique le 14 mai 2018. Le thème de la conférence portait sur la ZLECAf. Sur recommandation de cette réunion la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique mobilise des ressources financières afin d’aider les États membres de l’Union Africaine à élaborer des stratégies nationales de communication sur la ZLECAf.
II.VERS LE PREMIER ANNIVERSAIRE DE LA ZLECAf
18. Excellences, nous avons franchi un pas historique en mars 2018 par la mise en place de la ZLECAf. L’entrée en vigueur sera tout aussi historique. À cet égard, je suggère ce qui suit:
i) que nous tenions célébrions officiellement l’entrée en vigueur de la ZLECAf à l’occasion du Sommet de juillet 2019. Pour le rendre plus significatif, je proposeque nous nous rendions tous à ce Sommet après avoir signé et ratifié les instruments juridiques de la ZLECAf. Nous pouvons également saisir cette occasion pour prendre une décision formelle sur le siège du Secrétariat Permanent de la ZLECAf si cette décision n’est pas prise plus tôt;
ii) que nous tenions le deuxième (2e) Forum des affaires de la ZLECAf un jour avant le sommet, comme cela a été fait lors de la réunion inaugurale puisque nos hommes d’affaires nous ont demandé d’institutionnaliser le Forum comme plateforme d’engagement et de facilitation du réseautage entre entreprises ;
iii) deux jours avant notre Sommet, se tiendra un autre Forum réunissant nos parlementaires, la société civile, le monde universitaire, les jeunes, les femmes, les travailleurs, les commerçants transfrontaliers et autres afin qu’ils puissent également apporter leur contribution aux travaux de la ZLECAf ; et
19. Excellences, on s’en souvient que l’une des décisions que nous avons prises à Kigali était que la commission élabore les critères relatifs à la mise en place du Secrétariat intérimaire. Pour ce faire, la Commission entreprendra un voyage d’étude comparative dans les institutions comparables. Le rapport de cet exercice nous sera présenté en janvier 2019.
20. Dans l’attente du rapport en question, j’invite ce Sommet à se prononcer, conformément à l’article 13 de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), sur la création et le rattachement du Secrétariat permanent.
21. La Banque Africaine d’Exportation et d’Importation (Afriexim), en collaboration avec le Gouvernement de la République Arabe d’Égypte et la Commission de l’Union Africaine, organise la première foire commerciale intra-africaine au Caire du 11 au 17 décembre 2018. Afin de donner de la visibilité à notre première réalisation depuis le lancement de la ZLECAf le 21 mars 2018, je vous exhorte tous à soutenir le gouvernement égyptien en participant à cette foire en marge de laquelle se tiendra une conférence qui comportera un segment de haut niveau pour les chefs d’État et de gouvernement présents.
22. sur un autre plan nous avions convenu d’avoir un livre commémoratif de la ZLECAf. La confection de ce livre est en cours, mais les propositions des Chefs d’État et de Gouvernement tardent à venir. Je vous invite tous à soumettre vos contributions afin que le livre commémoratif soit présenté en janvier 2019.
23. Depuis le lancement de la ZLECAf en mars de cette année à Kigali (Rwanda), certains de nos partenaires commerciaux ont cherché à conclure des accords commerciaux bilatéraux avec certains de nos pays. Bien que chaque État membre de l’UA ait le droit souverain de conclure de tels accords, j’estime que ces derniers ne devraient pas compromettre le grand projet de création et de fonctionnement de la ZLECAf. À l’occasion de plusieurs forums, nous nous sommes engagés à parler d’une seule voix et à travailler ensemble. C’est pourquoi je vous invite à vous engager collectivement à ce qu’aucun d’entre nous ne conclue un accord commercial bilatéral avant l’entrée en vigueur de l’Accord portant création de la ZLECAf.
24. La Banque de Financement du Commerce en Afrique est en train de devenir l’un de nos partenaires stratégiques. Je recommande qu’elle participe désormais régulièrement à nos réunions et qu’elle jouisse des mêmes privilèges que la Banque Africaine de Développement et la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique.
III. PERSPECTIVES : CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
25. Sur tous les points évoqués ci-dessus des projets de décisions nous sont soumis. Je propose que nous les adoptions sans réserve.
26. La ZLECAf peut contribuer de manière significative à l’accélération de la transformation structurelle de l’Afrique que nous visons à travers le Plan d’action pour le développement industriel accéléré de l’Afrique (AIDA),le programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA),le programme détaillé de développement de l’Agriculture en Afrique (PDDAA), la vision Minière Africaine (VMA) et le plan d’action pour l’intensification du commerce intra-africain (BIAT).Le succès de la ZLECAf et la création de plus d’opportunités d’emploi pour les jeunes en particulier, auront un impact direct sur la restauration de la paix et de la sécurité durables sur notre continent. Le succès de la ZLECAf renforcera également notre position dans les rapports avec l’extérieur.
27. La récente réunion des ministres en charge du commerce a examiné le plan de travail révisé de la ZLECAf, qui est joint en Annexe 1 à mon rapport. Le Plan de travail révisé fait ressortir toutes les activités qui doivent être menées d’ici janvier 2019 et a été approuvé par les Ministres du Commerce de l’UA. À seulement six mois de janvier 2019, cela rend le calendrier très chargé pour la Commission et nos experts. Ils auront besoin de notre soutien résolu pour réaliser toutes les activités et obtenir des résultats dans les délais. Je suis convaincu que nous sommes tous engagés à leur apporter ce soutien.
28. Excellences, en conclusion, je pense que nous avons dépassé, depuis le 21 mars 2018, le point de non-retour en ce qui concerne ce grand rêve de l’Afrique. Ce qui nous reste à faire, c’est d’avancer vite et bien. Par conséquent, battons-nous avec confiance; n’ayons pas peur de prendre des risques si nécessaire et créons la dynamique qui nous permettra d’accroître le commerce intra-africain, de parvenir à l’industrialisation, de créer plus de perspectives d’emploi pour nos populations, notamment les jeunes, ainsi que d’instaurer la paix et la sécurité durables fondées sur la prospérité continentale.
Vive la ZLECAf,
Je vous remercie de votre aimable attention.