La révolution libyenne fête ses deux ans
(Dalatou Mamane, envoyé spécial)
Tripoli, 19 Février (ANP)- Les citoyens libyens fêtent, depuis le vendredi, 15.02.2013, le deuxième anniversaire de leur révolte, devenue une grande révolution populaire désormais aux commandes du pays.
C’est dans une grande liesse et une ferveur populaires que les libyens, tous âges confondus, sont descendus d’une façon spontanée dans les rues manifester la joie d’une nouvelle ère de liberté.
Un groupe de journalistes accrédités auprès de l’Unité de Fusion et de Liaison (UFL) (mécanisme regroupant huit pays du Sahel), a pris part à la couverture des festivités en Libye, avec la presse locale.
La journée de dimanche a vu un véritable défilé des voitures portant le drapeau libyen, rouge noir et vert, dans les grandes villes, notamment à Tripoli.
Dans cette ville, les manifestants sont descendus très tôt dans les rues, malgré le froid glacial, pour manifester leur joie. Des voitures ornées du drapeau libyen, dans des klaxons assourdissants, ont occupé littéralement les grandes artères et carrefours, rendant la circulation chaotique. L’on avait du mal à se frayer un passage et à distinguer les véhicules administratifs de ceux des particuliers, tous portaient les mêmes insignes.
Les marchés, magasins, administrations … étaient restés fermés pour la circonstance.
Les forces de l’ordre ont été déployées en nombre impressionnant, afin d’éviter tout débordement. Des barrages sont posés à tous les 300 mètres pour filtrer et régler la circulation.
Des volontaires se sont déployés en renfort aux forces de l’ordre, pour maintenir la sécurité et mettre en échec d’éventuelles tentatives de déstabilisation.
Pendant ce temps, des hélicoptères et avions de combats tournaient dans le ciel, à basse altitude, pour participer aux défilés.
La fête a pris de l’ampleur, à partir de 14 heures, lorsque les festivaliers se sont donné rendez-vous à l’avenue Facheloum, ce grand boulevard qui traverse la ville d’Ouest en Est, sur plusieurs kilomètres.
Des chansons à l’inspiration révolutionnaire et religieuse, fusaient des gros hauts parleurs, nichés sur des grands édifices.
Hommes, femmes, vieux et enfants sont descendus spontanément, pour chanter et danser à tous les rythmes, ce qu’ils n’ont pas fait depuis 42 ans.
Le choix de Facheloum n’est pas fortuit : c’est dans de cette rue que la première pierre de révolte à Tripoli, a été lancée sur les troupes de Kadhafi, ce qui deviendra plus tard une grande offensive contre les forces de Kadhafi.
C’est aussi dans cette rue que l’on a vu pour la première fois des femmes se battre à côté des révolutionnaires.
« En 40 ans, je n’ai pas vu une telle ferveur populaire. Les gens sont sortis spontanément », dit Dr. Mohamed Salah, un vieux médecin à la retraite.
« Nous fondons l’espoir. Actuellement la situation est meilleure. Nous avons dit non à l’injustice, au règne de la terreur. Nous attendons du travail pour nos enfants », renchérit Madame Rabia Ali Ahmed, une ménagère, voisine de la rue Facheloum.
Les femmes libyennes, n’hésitent en tout cas, pas désormais à prendre la parole en public. Beaucoup ne font plus mystère de leurs ambitions politiques.
« Aujourd’hui, la femme est dans toutes les instances, y compris au Conseil National de Transition. Je compte me lancer dans la politique puisque la voie est désormais ouverte », estime Madame Abdel Hamid Na’ass, Directrice d’un Collège.
A partir de 20 heures, le groupe de journalistes de l’UFL, issus de l’Algérie, de la Mauritanie, du Mali, du Niger et du Burkina Faso, en compagnie de la presse locale, se sont déplacés au quartier Suk Juma’à, quartier commerçant par excellence, abritant les plus grands magasins de la ville.
Sur la place Tersane, la fête a repris de plus belle. Ni le froid qui s’abattait, ni les fines gouttes de pluie qui tombaient n’ont entamé la détermination de tripolitains à continuer la réjouissance jusqu’à l’aube.
Les journalistes ont eu des rencontres avec des citoyens et des représentants de la société civile qui, à l’unanimité, ont salué la venue de cette délégation de l’UFL et l’ont invitée à transmettre la réalité de la situation en Libye à l’opinion publique internationale.
Un responsable militaire de Suk Jumaà, Belkacem Amine Al Masrati, qui commandait un groupe de révolutionnaires lors de la révolte, a accompagné les journalistes dans leur tournée dans ce quartier. Il a tenu à préciser aux journalistes que la situation sécuritaire est désormais maitrisée en Libye et que l’ensemble des révolutionnaires sont sous la légitimité de l’Etat.
Des milliers de ballons à hydrogène ont été lâchés dans un ciel illuminé par des feux multicolores d’artifice.
« Nous sommes fières de retrouver notre dignité, nous sommes fières de nous affranchir », martèle Fatima Achour Choued, responsable d’un groupe d’animation populaire.
Vendredi, c’était un concert géant qui a été organisé à la place des martyrs ». C’était l’occasion de grandes réjouissances, agrémentées par des chants et danses parfois endiablées que l’on ne pouvait pas imaginer dans un passé encore récent.
Les journalistes ont même constaté la participation des soldats dans les festivités. Le Général libyen, Djouma’à Al Mochri, rencontré sur les lieux a déclaré : « bienvenue à la presse de la région. La paix est revenue en Libye».
« vive la liberté », entend-on comme un leitmotiv. Mais ce slogan ne cache pas les préoccupations de la jeunesse qui se résument autour de l’emploi, l’éducation et la santé.
La même ambiance était au rendez-vous, samedi, à Tajura, une banlieue de tripoli, qui a payé un lourd tribu pendant la révolte.
Sur place, un débat sur la « Libye Libre » a été animé auquel ont participé les journalistes de l’UFL et certaines chaînes de télévision locales.
Par ailleurs, le président du CNT Dr. Mohamed Al-N’garif, dans un long discours diffusé par les médias locaux, a tenté de rassurer la jeunesse, fer de lance de la nouvelle révolution populaire.
« Vos efforts ne seront pas vains. Notre révolution est fondée sur le rejet de l’injustice. Dieu nous a dotés de richesses énormes et nous allons repartir cette richesse de manière équitable entre les différentes régions et les différentes composantes de la nation », rassure-t-il.
DMM/AMC/ANP/Février 2013