Niamey, 27 jan (ANP)-Le Gouvernement du Niger manifeste depuis 2017 sa volonté de recadrer les activités des organisations non gouvernementales (ONG) et associations de développement (AD) opérant sur son territoire, à travers plusieurs actions qu’envisage de mener le ministère de tutelle, à savoir celui de l’Aménagement du Territoire et du Développement Communautaire (MAT/DC).
A la date du 31 Décembre 2020, le pays compte un total de 3.501 ONG/AD, dont 3.233 organisations nigériennes (soit 92%) et 268 structures étrangères (soit 8%).
Ce chiffre important d’organisations est, selon les autorités, la résultante de l’existence d’une politique de promotion du secteur par l’Etat et des préoccupations liées aux urgences humanitaires ainsi qu’à la volonté des citoyens nigériens de jouir de la liberté d’association garantie par la constitution et les autres textes subséquents.
Dans un rapport portant sur l’exercice 2020 des ONG/AD, le ministère d’interface a énuméré plusieurs manquements de la part des ONG/AD, mais aussi la défaillance de la politique sectorielle nationale, auxquels il veut apporter des solutions.
Parmi les griefs portés à ces structures par le ministère de tutelle, il y a le non-respect du protocole de création et d’exercice.
En effet, toute ONG agréée doit signer le Protocole d’Accord Type (PAT), signer le Protocole de Mise en Exécution (PME) pour tout projet/programme à mettre en œuvre, déposer son rapport annuel et auditer ses comptes.
Mais jusqu’en fin 2020, 901 ONG/AD ont signé le PAT 2016/2020, soit un taux de signature de 26% contre 25% en 2019 et 19% en 2018 et 11% en 2017, ce qui dénote d’un progrès très timide des ONG dans la formalisation de leur existence et de leurs activités dans la mesure où les ONG/AD sont tenues, de par la réglementation, de signer ce document.
«Ceci est d’autant plus préoccupant que jusqu’à la fin du cycle 2016-2020 du PAT, on se situe encore à un taux de 25,77% seulement, la cible étant de 100% », souligne le rapport.
Pour l’implication de l’Etat ou de ses représentations dans la coordination, la planification, le suivi évaluation et le contrôle des projets des ONG/AD, le Protocole d’Accord Type a institué la signature du Protocole de Mise en Exécution (PME).
La signature d’un PME pour un projet permet de dégager sa contribution aux politiques nationales (comme le PDES) ou locales (PDR et PDC). Seulement au cours de l’année 2020, seules 73 ONG ont signé le PME.
Aussi, souligne-t-on, les ONG/AD ont l’obligation de déposer leurs rapports annuels d’activités.
Sur un plan éthique et moral, ce dépôt s’inscrit dans le principe de la redevabilité et contribue à rendre plus transparentes les interventions des ONG/AD.
Ceci permet à l’ONG/AD de rendre compte de ses activités pour qu’on puisse en saisir l’envergure et les capitaliser à travers les bilans des interventions en matière de développement, mais également pour rendre compte des difficultés qu’elle rencontre afin que l’Etat et les autres acteurs (CT et PTF notamment) puissent l’aider à surmonter ces difficultés.
Parmi les 2.908 ONG/AD nigériennes, seules 532 ont transmis leur rapport à la date du 15 juin 2021, soit un taux de dépôt de 18 %, alors que seules 93 sur les 261 ONG/AD étrangères ont transmis leurs rapports à la même date, soit un taux de dépôt de 35%.
Le taux global de dépôt de rapports est de 19% en 2020 comparativement aux années 2017, 2018 et 2019 qui ont respectivement enregistré 24% et 26% et 22 %.
En ce qui concerne la transparence financière, le rapport indique qu’à date du 15 juin 2021 ce sont 29 ONG/AD qui ont transmis la preuve de la publication de leurs états financiers au journal officiel.
En 2020, les organisations non-gouvernementales et associations de développement (ONG/AD) ont déclaré avoir investi un peu plus de 99 milliards de francs CFA, alors le total de dépenses certifiées par les cabinets des experts s’élève à 72.413.395.694 FCFA. C’est dire que sur les 99 milliards dépensées par les ONG en 2020, seules 72 milliards sont certifiées.
Outres ces manquements émanant de ces structures humanitaires et de développement, le ministère en charge du développement communautaire se plaint aussi de certains aspects de la politique sectorielle nationale.
C’est ainsi qu’il pointe du doigt, à travers le rapport 2020, « le caractère désuet du cadre juridique dans lequel évoluent les ONG/AD, qui était certes favorable à une politique d’émergence mais qui se trouve, aujourd’hui, accomplie et soulève des questions relatives à l’assainissement du secteur » ; « la faible synergie entre les différentes administrations publiques dans la coordination du secteur » ; « la non prise en compte par l’ordonnance, des dispositions de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme » ou encore « la non disponibilité du Protocole d’Accord Type 2021-2025 », entre autres.
Pour mieux recadrer les actions de ces partenaires au développement, l’Etat du Niger veut organiser des ‘’assises nationales’’ pour créer un cadre d’échanges entre les représentants de l’Etat, des ONG/AD, des Collectivités Territoriales, entre autres. Cette annonce a été faite par le Président de la République Mohamed Bazoum lors d’une rencontre avec les représentants de ces structures le 1er décembre 2021.
Au cours de cette rencontre, le Chef de l’Etat a aussi appelé ces structures au respect des textes en vigueur au Niger.
Selon Mahamane Hamissou Abdou Labo, Directeur des ONG et Associations de Développement dans ce ministère « le message livré par le Président de la République va certainement permettre aux ONG de comprendre que leurs activités sont encadrées par la loi, et l’Etat prendra toutes les dispositions nécessaires pour contrôler ce qu’elles font, comment elles le font et où est-ce qu’elles le font ».
De manière générale, a-t-il poursuivi, « les ONG doivent comprendre à travers ce message du PRN qu’elles sont autorisées pour apporter leurs contributions à l’amélioration des conditions de vie des populations et qu’aucune dérive ne sera tolérée par l’Etat».
Parlant du projet d’assainissement du secteur initié par son département ministériel, M. Hamissou précise que « l’idée d’assainir le secteur des ONG/AD résulte d’un diagnostic opéré par le MAT/DC en 2017.
En réponse, le ministère envisage de faire adopter dans les meilleurs délais le nouveau Protocole d’Accord Type, ainsi que le nouveau décret modifiant le décret du 25 septembre 1992, portant modalités d’application de l’article 20.1 de l’Ordonnance du 1er mars 1984, portant régime des associations.
Il ambitionne également de poursuivre et de renforcer les opérations de contrôle des ONG/AD, mais aussi de consolider le suivi des réalisations physiques des ONG/AD.
Selon Mahamane Hamissou Abdou Labo « des instructions ont déjà été données par le Président de la République lors de la rencontre du 1ier décembre. Tout ce qui sera fait va s’inscrire dans ce sens. On peut relever : l’intensification de la communication sur le respect des règles administratives et de redevabilité et l’organisation des assises nationales sur le secteur pour le recadrage des interventions ».
« Le Président a invité l’ensemble des acteurs à adhérer à ces instructions et la nouvelle dynamique, ce qui, à terme, va permettre d’améliorer la performance du secteur », a-t-il conclu.
MSB/AS/ANP 0109 Janvier 2022