Niamey, 27 août (AN)-Dans une interview accordée aux médias à quelques jours de la célébration de la journée internationale des disparus le 30 août prochain, la déléguée protection du Comité international de la croix rouge (CICR) au Niger, Mme Laïla EDDOUIEB a plaidé pour ‘’une prise en charge plus efficace et plus large des besoins des familles des personnes disparues’’.
Selon le CICR des centaines de milliers de personnes sont portées disparues chaque année dans le monde. Le 30 août est consacrée, depuis 2015, pour commémorer ces personnes disparues. C’est aussi une occasion pour sensibiliser et accroître la prise de conscience du public vis-à-vis de ce phénomène, car à travers le monde, des milliers de centaines de cas de disparition sont signalés à la suite d’une situation de conflit, de catastrophe naturelle ou de migration.
Le Comité international de la Croix rouge (CICR) saisit également cette occasion pour attirer l’attention du public et des autorités sur les souffrances des familles victimes de la disparition de leur(s) proche(s) et de leur droit de savoir.
‘’Le CICR plaide pour une prise en charge plus efficace et plus large des besoins des familles de personnes portées disparues par suite d’un conflit armé, d’une catastrophe naturelle ou de la migration’’ a déclaré Mme Laïla EDDOUIEB.
Interrogée sur le sens de la célébration de cette journée à travers le monde, Mme EDDOUIEB a soutenu que ‘’le sens de cette commémoration découle de l’inquiétude grandissante vis-à-vis des disparitions que les Nations Unies ont exprimées lors de son Assemblée Générale le 21 décembre 2010 et où elle s’est dite profondément préoccupée par la multiplication dans diverses régions du monde des disparitions forcées ou involontaires, y compris les arrestations, détentions et enlèvements’’.
La Croix-Rouge, a souligné Mme Laïla EDDOUIEB, disposant de privilèges particuliers en raison de son statut d’acteur humanitaire neutre, a développé ‘’une expertise dans le domaine des recherches des membres de familles disparues. Le but étant de sensibiliser davantage les autorités, les forces armées, les organisations nationales et internationales y compris le réseau mondial de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ainsi que le grand public, tant au problème tragique des personnes portées disparues dans le cadre d’un conflit armé ou d’une situation de violence interne qu’à l’angoisse de leurs familles’’.
Une personne disparue, a-t-elle expliqué, est une personne dont on est sans nouvelle. Elle peut être détenue, se trouver dans un camp de réfugié, dans un pays étranger, perdu en plein désert ou au fond de la Méditerranée.
Abordant la question des actions de son institution au Niger, la déléguée Protection-Missing-Migration du CICR a indiqué que ‘’nos équipes sont fréquemment sollicitées par des mères qui recherchent un fils, par des maris qui recherchent leur femme. Parfois, il y a des réponses : chaque minute, le CICR, en collaboration avec les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, aide une famille séparée par un conflit à rétablir le contact’’.
‘’Le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge (CICR et Société Nationale compétente) fait de veille à accompagner les familles pour atténuer le poids des disparitions de leur bien aimé. Globalement le CICR a enregistré plus de 210’000 personnes disparues dans le monde’’ a-t-elle précisé.
‘’Au Niger spécifiquement, la Croix-Rouge nigérienne (CRN) et le CICR dans un effort conjoint, ont mis à disposition 6 kiosques le long de la route des migrants qui traversent le Niger, pour faciliter le maintien du contact familial. En plus, le Mouvement de la Croix Rouge et Croissant Rouge s’est aussi investi à exploiter les opportunités digitales en vue de faciliter le rétablissement des liens familiaux entre familles dispersées’’ a annoncé Mme Laïla qui a fait savoir qu’à cet effet, ‘’une plateforme digitale appelée « trace the face » a été créée pour permettre aux personnes victimes de disparition ou une séparation familiale de pouvoir s’enregistrer et/ou chercher un membre de famille’’.
‘’Depuis janvier 2021 jusqu’en juillet le CICR a facilité plus de 11564 appels téléphoniques gratuits non seulement aux personnes déplacées ou réfugiées afin de rétablir et/ou maintenir les liens familiaux dans la région de Diffa et à Intikan, dans la région Nord-Tahoua mais aussi au profit des migrants de passage dans les villes d’Agadez, Arlit, Dirkou, et le village de Séguédine’’ a relevé la responsable du CICR.
Selon elle, le CICR a observé trois situations de détresse et de difficultés chez ces familles. La première serait une difficulté psychologique et psychosociale qui apparaît sous forme d’angoisse et tristesse permanentes. ; La deuxième serait le besoin pressant d’entamer des recherches pour savoir ce qu’il est advenu de leur proche abruptement disparu. Situation, qui à son tour, accentue le gouffre du besoin économique ressenti par ces familles de par l’éventuel arrêt du revenu causé par la disparition mais aussi les coûts supportés pour effectuer les recherches et les déplacements.
C’est pourquoi, a expliqué Mme Laïla, il est impératif d’inclure les besoins de ses familles dans nos plaidoyers avec nos réponses humanitaires mais surtout dans nos plaidoyers auprès des autorités. Derrière chaque cas de disparition il y a beaucoup plus des personnes affectées –parents, époux, enfants qui doivent quotidiennement vivre avec l’absence.
En général les familles vous diront que ce qui leur importe, plus que toute autre chose, c’est savoir ce qu’il est advenu de la personne qui a disparu, même si, dans la plupart des cas, la question risque malheureusement de rester sans réponse. Les familles ont cependant d’autres besoins, qui vont au-delà de cette première préoccupation.Il arrive par exemple que les besoins aient trait à des questions d’ordre juridique liées au statut non défini de la personne disparue, et relatives par exemple à l’héritage, à la propriété, à l’état civil ou encore à la garde des enfants. Il peut aussi s’agir de problèmes à caractère financier dus aux coûts occasionnés par les recherches d’un proche disparu ou à l’entretien des membres de la famille, si la personne disparue était son principal soutien.
‘’Conscientes que le respect de l’unité familiale fait partie intégrante de la dignité humaine, nos équipes mettent tout en œuvre pour soulager les souffrances des familles, rechercher les personnes disparues et échanger des messages familiaux’’ a précisé Mme Laïla qui a poursuivi en indiquant que ‘’le CICR a mis en place des kiosques téléphoniques permettant aux migrants de contacter leurs familles principalement dans le gouvernorat de Agadez’’.
Elle a, par ailleurs, souligné qu’afin de ‘’renforcer notre capacité de recherche des personnes disparues le CICR a développé Trace the Face, « reconnaitre le visage », une galerie de photos de personnes recherchant des membres perdus de leur famille. Ceci permettra à la personne recherchée de reconnaître la photo et de faciliter le contact via notre mouvement de la Croix et Croissant Rouge pour une meilleure protection de leurs informations personnelles’’.
Pour identifier les corps, en cas de décès, ‘’notre réponse humanitaire commence par des formations et sessions de sensibilisation sur la gestion des dépouilles mortelles dans le cadre de la prévention des disparitions des personnes. Comme une de nos principales actions, la formation des Gestion des dépouilles est un outil clé pour faciliter l’identification immédiate ou ultérieure de la personne défunte pour ainsi clarifier son sort auprès de leurs familles’’ a fait savoir le déléguée protection du CICR.
Pour toute éventuelle recherche de personne disparue, Mme Laïla EDDOUIEB conseille de contacter le CICR ou le bureau local de la Croix-Rouge le plus proche pour déposer une demande de recherche. Une fois ce premier contact établi, nos équipes de recherches pourront évaluer votre demande et collecter les informations nécessaires à la recherche. Une recherche nécessite un travail de longue haleine qui peut prendre plusieurs mois voire plusieurs années’’.
AS/ANP 0173 août 2021