Niamey, 21 Août (ANP)- A Niamey, des habitants des quartiers riverains du fleuve Niger vivent un calvaire suite aux inondations provoquées par la montée des eaux du fleuve, conséquence des pluies torrentielles enregistrées ces derniers jours.
A Kombo, quartier situé à la rive gauche du fleuve et l’un des plus affectés, les habitants usent de tous les moyens pour se trouver un abri et pour sauver ce qu’il leur reste comme biens après l’inondation et/ou l’effondrement de leurs habitations.
Il y a quelques jours, Fati Oumarou dite Talata, âgée de 49 ans, son mari et leurs cinq (5) enfants ont trouvé refuge dans une salle de classe de l’école du quartier, après que leur maison se soit inondée par l’eau du fleuve qui continue de monter.
Mais la pluie enregistrée, le mardi 20 Août 2024, fait augmenter le niveau des eaux du fleuve, ce qui provoque l’inondation de la classe dans laquelle, elle, et sa famille se sont réfugiées. Elle se dit sous le choc.
«Je suis vraiment sous le choc. Nous nous sommes réfugiés il y a quelques jours dans cette salle de classe. Mais la pluie tombée hier (le mardi 20 Août 2024) a inondé la salle. Nous étions obligés de nous séparer en trois (3) groupes pour dormir chez des connaissances. J’ai passé toute la nuit avec des maux de tête à cause de la fatigue ».
Ce matin, elle est revenue dans la classe inondée pour voir l’état de ses affaires. Avec l’aide de ses enfants et d’autres enfants du quartier, elle range ses affaires, dont beaucoup sont trempées.
Dans la salle, on y remarque des affaires éparpillées pour la plus part. Dans un coin de la salle, ses casseroles sont rangées sur des bâtons en bois, et du côté opposé, ses foyers et fourneaux sont posés en-haut de l’armoire de la classe.
« Nos vivres sont inondés, nos bois de chauffe mouillés, le sol est englouti par l’eau … pas question de préparer à manger. On se débrouille pour nourrir les enfants dans cette situation. Mais, on se soumet à la volonté divine », dit-elle avec un visage qui exprime déception et faiblesse.
La plus part des habitants de ce quartier du bord du fleuve vivent du maraichage, de la pêche et de l’élevage.Les inondations ne les ont pas seulement laissés sans maisons, elles ont également englouti leurs jardins et emporté certains de leurs bétails, les exposant ainsi à un chômage temporaire.
« Ça fait une semaine que la pluie nous a tout ravagé et nous a causé beaucoup de dégâts. Nos maisons sont tombées, nous avons perdu nos animaux, nos jardins sont inondés, par conséquent, nous sommes obligés de nous réfugier dans les écoles », se lamente M. Ibrahim, un jeune jardinier vivant le quartier avec sa famille,
« C’est grâce à ces jardins qu’on nourrit nos familles et aujourd’hui il ne nous reste plus rien. Nous ne faisons aucune activité à part rester au bord du goudron et regarder impuissamment l’eau continuer à imposer sa loi», gémit-il.
A quelques mètres de la maison d’Ibrahim, Soumana Boureima et sa femme, tous des retraités, prennent des corbeilles de sables qu’ils transportent de la devanture de leur concession pour remblayer la cour de la maison, une mesure sécuritaire contre l’effondrement des murs de la maison construits en argile.Si les chambres de la maison de Soumana ne sont pas encore inondées, ce septuagénaire connait bien le risque que constitue la montée des eaux du fleuve.
« Je suis né dans ce quartier. J’ai aujourd’hui une dizaine d’enfants. Ma maison a été inondée par deux fois dans le passé : une première fois dans les années 60, et une seconde fois en 2010 », se souvient le père de famille, craignant que cette triste situation ne se répète dans les jours à venir si le niveau des eaux continue à monter.
Selon lui, toutes ces inondations « sont dues à l’ensablement du fleuve qui fait qu’à chaque fois qu’il pleut abondamment, ça déborde et envahit nos habitations ». Zeinabou, une autre habitante du quartier, a vu sa maison en argile démolie et ses biens emportés par l’eau. Sans abris, elle passe depuis quelques jours ses journées au bord de la route et la nuit tombée, elle va chez ses voisins qui ne sont pas encore touchés par ces catastrophes pour y passer la nuit.
Au quartier Lamordé, de l’autre côté du fleuve, la digne construite il y a des années et réhabilitée en 2020 retient pour l’instant les eaux du fleuve d’engloutir les maisons. Cependant, près de là, aux pieds du troisième échangeur de la ville, des rizières et des maisons en construction sont inondées. Les seuls moyens de se déplacer sont les pirogues, qui sont pour la plupart, des embarcations de fortunes.
Niamey en situation d’alerte rouge
Les fortes précipitations enregistrées ces derniers jours à Niamey ont fait monter les eaux du fleuve à la côté de 647 ce mardi 20 août à 3h50. Ce niveau est une alerte rouge qui présage des forts risques d’inondation, selon l’autorité du bassin du Niger (ABN).
Le Centre opérationnel de veille, d’alerte et de conduite des crises (COVACC) a appelé, ce dimanche 18 août 2024, les usagers des routes aux alentours de Niamey, à plus de vigilance.
Trois routes reliant la ville à des localités voisines sont coupées. Il s’agit de l’axe Niamey –Filingué coupé au niveau du quartier Saga Gorou de Niamey; de l’axe Niamey –Dosso, rompu au niveau du quartier Sorey et l’axe Niamey -Kollo coupé au niveau de la localité de Ndounga.
Selon le directeur général de l’hydraulique au ministère de l’hydraulique, de l’assainissement et de l’environnement, Abdou Moumouni Moussa, ces ruptures de voiries « sont toutes générées par la crue du Kori Ouallam, un kori ayant un vaste bassin versant qui débute depuis Tizégorou dans le nord Ouallam ».
Il précise que ce kori dispose « d’un réseau hydrographique très hiérarchisé et actif ».
Selon l’autorité du bassin du Niger (ABN) « la crue locale du fleuve Niger débutée en Guinée et au Mali depuis juin et juillet dans le haut bassin du Niger et dans le Niger moyen depuis la mi-juillet à Niamey se poursuit et se manifeste par des variations importantes et rapides du niveau de l’eau dans le fleuve Niger et ses affluents ».
Pour l’Autorité du Bassin du Niger, « la disponibilité des données hydrologiques, collectées par les équipes techniques nationales, en temps opportun est nécessaire pour l’élaboration des prévisions en vue d’orienter la prise de décisions », ajoutant que « des dispositions nécessaires doivent être prises par les gestionnaires de barrages, les irrigants aux abords du fleuve Niger et les collectivités locales riveraines concernées ».
Lourde situation humaine au plan national
Du début de la saison pluvieuse à la date du 20 Août 2024, la Région de Niamey a enregistré 4 morts (tous par effondrement) et 4 blessés, tandis que 66 murs se sont effondrés.
Au-delà de Niamey, c’est tout le pays qui fait face aux inondations.
À la date du 20 Aout 2024, les inondations ont fait 217 décès, soit 108 par noyade et 109 par effondrement, alors qu’on recense 200 blessés et 353.287 personnes sinistrées réparties dans 46.525 ménages.
DBZ-MSB-KDH/AS/ANP 0101 Août 2024