DECLARATION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR ISSOUFOU MAHAMADOU, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU NIGER, LORS DU PREMIER SOMMET MONDIAL SUR L’ACTIONHUMANITAIRE Istanbul, Turquie, les 23 et 24 Mai 2016

DECLARATION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR ISSOUFOU MAHAMADOU, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU NIGER, LORS DU PREMIER SOMMET MONDIAL SUR L’ACTIONHUMANITAIRE Istanbul, Turquie, les 23 et 24 Mai 2016

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Excellence Monsieur Recep Tayyip Erdogan, Président de la République de Turquie,

Excellences, Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Excellence,

Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,

Excellence, Madame la Présidente de la Commission de l’Union africaine,

Mesdames et Messieurs les Chefs de délégation,

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais avant tout, féliciter le Gouvernement Turc, qui a bien voulu abriter cette importante rencontre, nous gratifiant ainsi de l’hospitalité et de la bienveillance légendaires de son peuple, à qui je voudrais rendre un hommage mérité.

Cette initiative atteste de l’engagement de la Turquie dans la coopération internationale et dans la promotion et le développement des relations de qualité qui en particulier caractérisent le partenariat turco-africain, désormais consacré dans un cadre stratégique plein de promesses.

Je voudrais également féliciter le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies, Monsieur Ban Ki-Moon qui, à travers la convocation du présent Sommet dont le thème «comment pouvons-nous agır pour créer un monde plus sûr et plus humaın » est on ne plus pertınent, prend l’initiative de travailler au renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence fournie par la communauté internationale.

La décision de la communauté internationale de se pencher sur les questions humanitaires tombe à point nommé, au regard des situations d’urgence humanitaire toujours plus nombreuses dans le monde. Les variations climatiques, les crises alimentaires et énergétiques, les épidémies et risques naturels, le sous-développement, l’exclusion, les inégalités, les conflits d’origine ethnique et ceux liés à l’intolérance religieuse provoquent des tragédies humanitaires qui affectent un nombre croissant de personnes, notamment dans les pays les plus pauvres du monde faisant passer les coûts des actions humanitaires de deux milliards de dollars il y a 10 ans a plus de 24 milliards de dollars aujourd’hui.

Il faut le reconnaitre, face à l’ampleur du phénomène, les mécanismes traditionnels de réponse humanitaire, jusqu’ici mis en place dans le cadre du système des nations unis, se révèlent de plus en plus insuffisants pour faire face à la situation. La communauté internationale et les Nations unies se doivent donc de réfléchir sur les meilleurs moyens de rendre plus effectifs les mécanismes existants dans la prise en charge des situations humanitaires et d’imaginer, le cas échéant, de nouvelles approches pour des réponses plus adaptées à ces situations notamment à travers l’identification et la mise en place de financements innovants.

Tirant leçon des dysfonctionnements et insuffisances observés dans les réponses humanitaires, nous sommes d’avis que les nouveaux mécanismes à mettre en place doivent mettre l’accent sur la rapidité d’intervention, la détection précoce des situations potentielles de crise humanitaire, l’implication des acteurs locaux, la prévention et la résilience des populations affectées. A cet égard le programme pour l’humanité du Secrétaire Général des Nations Unis et le document de travail élaboré par l’Union Africaine intitulé « position commune Africaine sur l’efficacité de l’assistance humanitaire » constituent une excellente base de discussion de nature à guider nos travaux. Ils réaffirment entre autres la primauté de la responsabilité des Etats, le rôle des communautés affectées, les liens étroits entre le développement et la sécurité ainsi que la nécessité de la mise en place d’un cadre institutionnel performant.

L’existence d’un cadre institutionnel étatique est cruciale pour garantir le rôle d’orientation et de coordination de l’Etat et offrir un cadre dans lequel les acteurs humanitaires non étatiques peuvent s’inscrire pour planifier et assurer l’efficacité de leur intervention.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

La sagesse populaire nous enseigne que lorsque vous donnez un poisson à manger à un être humain vous le nourrissez l’instant d’un repas, mais lorsque vous lui apprenez à pécher vous l’aider à se nourrir toute sa vie. Les mécanismes d’assistance humanitaire doivent par conséquent associer aux secours d’urgence les réponses aux questions de résilience des populations affectées. Il faut éviter la récurrence des situations d’urgence et s’attaquer aux causes profondes a l’origine de ces situations. Les causes les plus communes sont les conflits armés et les catastrophes liées au changement du climat et à sa variabilité.

Se contenter de l’assistance humanitaire, quelle que soit son ampleur, c’est s’attaquer aux symptômes sans guérir le mal. Il faut s’attaquer aux causes profondes à l’origine des situations de crises humanitaires.

Il nous faut mettre en œuvre des politiques de développement visant à réduire les inégalités et à procurer des emplois et des revenus aux plus pauvres avec une attention particulière aux jeunes. Les objectifs de développement fixés par les Nations Unis pour 2030 dans le cadre des ODD et par l’Union Africaine dans son agenda pour 2063 nous réconfortent et nous permettent d’espérer une mobilisation plus forte de la communauté internationale en matière de développement et de lutte contre la pauvreté. A cet effet, on peut se réjouir des perspectives de la création des fonds verts climat dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat conclu à la COP 21.

Il faut aussi se pencher sur la gouvernance mondıale tant sur le plan polıtıque que sur le plan économique. La gouvernance mondıale actuelle n’est nı juste nı équitable et elle engendre des frustrations socıales et des déséquilibres de développement entre les Etats.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Dans le Sahel, région où le changement et les variations climatiques sont désormais devenus une donnée permanente, et où le terrorisme et les organisations criminelles de trafic de drogue, d’armes, d’êtres humains, etc., créent l’instabilité, une organısatıon regroupant cınq pays et dénommée G5-Sahel a été créée pour adresser les questıons de développement et la lutte contre l’insécurité et le terrorisme. Nous attachons la plus haute importance aux actions entreprises avec les partenaires dans ce cadre et nous saluons par conséquent la définition d’une stratégie intégrée des Nations Unis pour le Sahel.

Sa mise en œuvre effective constitue une réponse aux préoccupations des pays du G5-Sahel.

Il existe également une forte coopération au niveau des pays du bassin du lac Tchad, coopération sécuritaire avec la mise en place d’une force mixte multinationale pour combattre efficacement Boko Haram, coopération économique dans le cadre de la Commission du Bassin du lac Tchad qui vise un développement intégré des Etats membres et quı dıspose d’un Plan Quinquennal d’Investissement et d’un projet de transfert vers le lac, des eaux du bassin du Congo en Afrique Centrale.

Les pays du Sahel et du bassın du lac Tchad ne connaitront la paix et la sécurité que lorsque la Libye retrouvera sa stabilité. La déstabilisation de la Libye est la cause principale de l’insécurité qui menace la stabilité de ces pays et la quiétude de leurs populations.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

A l’instar des autres pays du Sahel, le Niger fait face à une insécurité alimentaire récurrente et à ses conséquences, dont la malnutrition aigüe sévère. La situation humanitaire au Niger est également marquée par l’instabilité sécuritaire dans certaines parties du Mali, de la Libye et dans la région du Lac Tchad. Le Niger accueille depuis 2011 sur son territoire des centaines de milliers de réfugiés maliens et nigérians auxquels s’ajoutent depuis 2015 des déplacés internes fuyant la barbarie de Boko Haram. Le Niger est également affecté par les flux migratoires de personnes en provenance de toutes les régions de l’Afrique.

Il est devenu de faıt un grand pays de transit pour les migrants en partance pour l’Europe via l’Algérie ou la Libye. Au total, à date, c’est près de 500 000 réfugiés, retournés et déplacés et plus de deux millions de personnes en insécurité alımentaıre chronıque qui sont dans une situation de besoin d’aıde humanitaire.

Le Gouvernement nigérien s’attèle au quotidien à l’atténuation de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition aigüe sévère, à travers une réponse d’urgence au profit des populations les plus vulnérables et le renforcement des mécanismes nationaux pour inverser cette tendance de façon durable.

Je voudrais souligner l’engagement fort du Gouvernement nigérien dans le traitement des questions humanitaires, malgré la modicité de ses moyens. En matière de migration, le Nıger quı est à la foıs un pays d’orıgıne, de destınatıon et de transıt s’est doté d’un cadre législatif et réglementaire vısant la répression du trafıc de personnes.

Une Agence natıonale de lutte contre le trafıc de personnes a été créée et des centres de transıt ouverts dans les zones de passage de grands flux mıgratoıres afın de mıeux contrıbuer à la protectıon des mıgrants, à la promotıon de l’émigration légale et à la facılıtatıon du retour volontaıre.

Le Niger, a mis en place un cadre institutionnel efficace dénommé dispositif national de prévention et de gestion des crises coordonnée par un secrétariat permanent et comprenant les unités suivantes: une cellule chargée du système d’alerte précoce, une cellule chargée de la gestion des crises alimentaires, une cellule chargée de la coordination de l’aide humanitaire, un office chargé de la gestion du stock de sécurité. Ce

système qui bénéficie de l’appui de plusieurs donateurs intervenant de façon concertée vient d’être renforcé par la création récente d’un Ministère de l’action humanitaire.

Le Niger met tout en œuvre pour garantir le respect des traités sur le droit international humanitaire, régissant la conduite à tenir en cas de conflit armé. Ainsi, dans notre combat contre Boko Haram, nous respectons le droit de la guerre et plus d’un millier d’éléments de Boko Haram ont été déférés devant nos tribunaux.

Le Niger assure l’accès sans limitation des acteurs humanitaires internationaux et nationaux aux personnes affectées par les crises et en besoin d’assistance dans le respect des principes qui régissent l’action humanitaire, notamment la neutralité, l’humanité et l’indépendance.

Je voudrais saisir l’opportunité que m’offre cette tribune pour saluer la collaboration et les initiatives conjointes que le Gouvernement nigérien entretient avec ses partenaires. Ce partenariat permet la préparation d’un plan de réponse stratégique unique englobant les interventions du Gouvernement et des partenaires humanitaires. Je tiens à relever ici l’importance et la pertinence de la création d’un Fonds d’Urgence National pour répondre rapidement aux besoins les plus pressants aux premières heures qui suivent l’émergence d’une crise. Cela est crucial dans les actions d’atténuation des souffrances et de la préservation de la dignité des populations vulnérables. J’invite les partenaires du Niger à nous appuyer dans cet important projet qui sera soumis à leur appréciation.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Conscient de la nécessité de s’attaquer aux causes des crises humanitaires, le Niger a élaboré et mis en œuvre un programme cadre de développement rural dénommé initiative 3N « les Nigériens Nourrissent les Nigériens ». Ce programme a pour objectif la « faim zéro » en 2020, à travers une augmentation conséquente de la production agricole et sa diversification, par le développement des cultures irriguées, l’utilisation des intrants de qualité, la modernisation des méthodes culturales et un meilleur accès au marché. Ce programme s’intègre dans un projet de société plus large dont il constitue un des huit axes majeurs: le programme de renaissance du Niger. De même une Stratégie pour le Développement et la Sécurité dans les zones Sahélo-sahariennes du Niger (SDS Sahel-Niger) a été élaborée pour mettre un accent partıculıer sur le développement des régions du Nord du pays.

Enfin, Monsieur le Président, je voudrais réaffirmer ici que le Niger a de fortes attentes quant aux effets escomptés de ce premier Sommet humanitaire mondial.

C’est notre vœu le plus cher que le sommet d’Istanbul, et notamment les engagements que nous allons prendre, bénéficient du volontarisme nécessaire des pays les plus développés pour leur mise en œuvre effective.

Le Niger, quant à lui, mettra tout en œuvre pour la poursuite des objectifs convenus avec les partenaires afin de faire face de façon encore plus efficace aux problèmes humanitaires qui se posent à lui, en continuant à investir davantage à l’amélioration des conditions de vie des populations.

Le Nıger est convaincu que l’instauration d’un monde plus juste et plus humain nécessite une autre gouvernance politique et économique mondiale..

Je vous remercie.

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