(Par Abdoulaye Harouna ANP/Agadez)
Agadez, 23 MAI (ANP)- Ancien eldoradoqui attirait de nombreux nigériens, Arlit dénommée « petit Paris » pendant le boom de l’uranium des années 80, est une ville bâtie dans les plaines désertiques de l’ouest du massif de l’Air au nord d’Agadez. Cette ville a propulsé le Niger au rang du deuxième producteur mondiald’uranium. Sa création est liée à l’exploitation de ce minerai découvert par le Commissariat Français à l’Energie Atomique(CEA). Cette ville n’a cessé de s’étendre jusqu’à une époque récente : la construction de la route bitumée Tahoua-Arlit connue sous le nom de la RTA a permis de la relier aux autres régions du Niger.
Chef-lieu d’une Commune urbaine du Département du même nom la ville d’Arlit est située à environ, 1200km au nord-estdeNiamey, la capitale nigérienne,et à260 kmau Nordd’Agadez, la Région dont elledépend administrativement.
C’est cette ville, à la fois un lieu d’échange, de contrebande et de migration que notre Correspondant régional Abdoulaye Harouna nous fait découvrir. Reportage.
De loin, très loin, la première vue panoramique qu’offre Arlit, ce sont ces semblants de montagnes,qui s’étendent sur plusieurs kilomètres, pointent à l’horizon comme des pyramides égyptiennes. Lorsque l’on s’approche, les installations de la Compagnie Minière d’Akouta (COMINNAK au sud-ouest, contraste l’horizon comme une oasis dans la pénéplaine désertique. En 1967, voire 1969-1971il n’y avait que le reg désertique entouré d’une vaste étendue de plaines arides balayées par les tempêtes de sable et soumis au dur régime d’un climat impitoyable. Telle est la réalité historique qui contredit les allégations infondées, sur la grande aventure de l’Uranium au Nord-Niger.
L’espace pastoral où se côtoyaient les animaux sauvages et domestiques dans un décor de pâturage luxuriant, surréaliste n’est digne que d’un film des années 50 et n’est qu’un concept utopique ayant pris sa source dans l’imagination d’organisations peu vertueuses et prétendues moralisatrices. Certes, un excellent climat avait régné dans la région il y a un peu plus de 5 000 ans selon H. Lhote qui a mené des études archéologiques sur des sites d’Arlit.
Avec les variations climatiques, cette partie du de l’Aïr à l’image d’autres contrées du Niger, est devenue plus que désertique. Quoi qu’on en dise, les populations autochtones ne l’ont pas connu autrement tout comme le CEAqui, dans les années 50, dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée en 1945 par son père-fondateur, le Général De Gaulle, a découvert la province uranifère du Niger.
Entre autres missions, le CEA devait découvrir et exploiter les minerais nécessaires au programme nucléaire français en devenir. Ce qui fut fait en métropole, puis dans les anciennes colonies françaises, et, notamment, à Madagascar, au Gabon et au Niger. C’est ainsi que les équipes du CEA ont mis en évidence la nouvelle province uranifère d’importance mondiale au Niger dont plusieurs gisements découverts ont été considérés exploitables dans les années 60. Ladécouverte du gisement d’Arlit en 1965-66 a déterminé la création d’Arlit (en 1969) puis d’Akokan (1978) deuxvilles à proximité des mines et de l’usine de traitement du minerai (uranate).
La Compagnie générale des Matières Atomiques(Cogema)[] devenue AREVAen 2006, a d’abordcommencé l’exploitation de la Société des Mines de l’Aïr(Somaïr) crééele 2 février 1968qui aproduitson premier lot de « yellow cake » en Janvier 1971,puis celledela Compagnie minière d’Akouta(Cominak) dont la création remonte en Juin 1974 et dont la production a démarré en Août 1978 .La première exploite des carrières à ciel ouvert à environ 7km au nord-ouest d’Arlit et la seconde des gisements souterrains à environ 6 km au sud-ouest.
Arlit, créée ex-nihilo, comprend la Cité Somaïr , le quartier administratif (la Sous-Préfecture gère une très vaste circonscription) et la « ville induite » construite sur un plan en damier avec un marché et de nombreux commerces .D’après E.Bernus « Arlit comprenait 9 394 habitants en 1977 ; Akokan , qui exploite le gisement d’Akouta, possède de 6 à 7 000 habitants, soit, au total, un complexe industriel regroupant plus de 15 000 hommes, originaires de tout le pays, mais comprenant une majorité de Touaregs. Le personnel employé en 1984 par les deux sociétés était de 1 330 à Arlit (Somaïr) et de 1959 à Akokan (Cominak).
Tous les Nigériens ont été attirés par les salaires élevés. Les populations environnantes des sites, nomades en particulier, ont laissé, surtout dès les premières années, la majorité des postes spécialisés aux Nigériens venus du sud plus anciennement scolarisés et aptes à travailler dans les conditions que requiert l’exploitation des mines. Avec toutes les facilités offertes par la COGEMA notamment des salaires plus élevés et la priorité dans les recrutements, certains nomades ont préféré se livrer à des activités moins contraignantes : gardiennage des villas d’expatriés français entretien des jardins fleuries etc. Parmi les 62 manœuvres permanents de la « première tranche », ils n’étaient que 25 %.
Arlit est l’exemple type d’une ville minièreEn 1978 déjà Arlit et sa sœur Akokan disposaient de quelques infrastructures : écoles, hôpitaux, réseaux d’adduction d’eu potable, deux(2) magasins d’alimentation, deux(2) clubs-restaurants, quatre (4) salles de cinémades terrains de sport etc. En ces temps tous les produits manufacturés provenaient de la métropole à Arlit ce qui lui a valu le surnom de ‘’petit Paris’’. Un nom qui lui sied bien à l’époque.
Les deux cités minières où abritent cadres et ouvriers présentent non seulement l’illustration parfaite de villes minières, mais offrent surtout l’image contrastée de certaines villes industrielles africaines tant au niveau des quartiers style HLM faite de maisons uniformes des ouvriersconstituées d’ espaces très réduits sans verdureet lesvillas des cadres plus chics avec jardins et piscines. La différence est remarquable entre ces habitations hiérarchisées à cette époque qui a suivi la naissance des sociétés minières qui ont crée un environnement viable qui fait oublier parfois la rigueur du milieu désertique. Dans l’ensemble, ces cités constituent un cadre de vie luxueux et attrayant.
En matière de transport, il n’existait à Arlit que deux (2) taxis, une Land-Rover Car et une Peugeot 404. Même le plus vieux métier du monde n’a pu s’installé que tardivement dans ces cités où la vie des agents est réglée au rythme des industries européennes.
C’est pendant les années du boom de l’uranium (1980), que la ville a amorcé son développement et la population a afflué surtout à l’ouverture de la mine d’AKOUTA. Une cité induite est venue se greffer comme un champignon formant des bidonvilles appelés ‘’Boukoki’’ habités de gens attirés par l’espoir de trouver un emploi pour une vie meilleure.Une partie importante de la population, notamment les nomades, se livraient au petit commerce et au jardinage.
Pour les soulager, les sociétés minières ont mis en place un aménagement hydro-agricole dénommé AMIDAR (Aménagement Hydro-agricole d’Arlit) aux techniques ultra sophistiquées (irrigation par gravitation, aspersion, goutte à goutte).
Le département d’Arlit s’est développé grâce aux appuis des sociétés minières. Le développement a donc débuté dans le terroir bien avant la naissance des mouvements de la « société civile » au Niger.La mise en exploitation de l’uranium a été confiée, en plein accord avec l’État du Niger, aux deux sociétés minières, suite aux négociations qui ont eu lieu en 1967 et 1968 et qui d’ailleurs ont abouti à leur création.
Sur la base des conventions de longue durée entre l’État du Niger et ces sociétés, renouvelées à plusieurs reprises, la Région bénéficie d’appui à l’initiative locale. La signature de l’Accord du 26 mai 2014 entre AREVA et l’Etat du Niger a marqué le départ pour de nouvelles relations fructueuses à travers lesquels d’importants projets ont été initiés pour le financement des infrastructures scolaires et sanitaires et leur équipement en matériel et en médicaments ; soutien aux activités génératrices de revenus, au sport et à la culture etc.
Aujourd’hui, le décor a changé à Arlit. Un financement d’environ deux milliards neuf – cents millions (2 900 000 000) de francs CFA a permis des travaux de bitumage sur près de 13 kilomètres dans la ville d’Arlit qui dispose aussi des routes goudronnées qui relient les deux cités industrielle. Des voies pavées ont été réalisé dans le cadre de l’appui à la voirie urbaine.
Et dans la recherche de l’amélioration des conditions de vie des populations, il a été mis en œuvre, grâce à l’appui de l’Etat et des sociétés minières, un programme dénommé Arlit SARHO à l’image de Niamey-Nyala’’, ‘’Dosso Soga’’, qui permettra comme ’’Agadez SOKNI’’, de faire de la ville, une cité coquette. Ledit Programme vise la construction d’ouvrages d’hygiène et d’assainissement (environ 5000 mètres linéaires de caniveaux en béton,), aménagement de 9km de rue pavées, l’électrification urbaine etc.
D’autres voies ont été goudronnées et équipées de feux optiques par AREVA et l’on ne circule plus dans la poussière qu’autrefois soulevaient les véhicules. La cité minière est devenue attrayante. Il suffit de voir l’artère principale qui traverse la ville pour s’en convaincre de ces réalisations faites dans le cadre du développement durable.
La Préfecture dispose, aujourd’hui, d’une clôture, des villas d’accueil d’hôtes construites par AREVA et la ville a une tribune officielle acceptable.
Carrefour migratoire, Arlit est devenue un axe incontournable pour les migrants voulant se rendre dans les pays du Maghreb et traverser la Méditerranée. Malgré les risques associés aux conditions de voyage, de nombreux migrants décident d’emprunter « les couloirs de la mort » pour tenter de traverser le désert nigérien, souvent dans des conditions précaires et dangereuses qui les exposent à des multiples aléas sur la route.Au retour de leur séjour à l’extérieur, le témoignage de ces migrants, reflète les difficultés auxquelles ils font face dans leur périple vers le pourtour méditerranéen et l’Europe. Selon l’’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) qui travaille au Niger depuis 2006 pour contribuer aux efforts du gouvernement de fournir une réponsehumanitaire adapté aux populations mobiles transitant par ce pays. En effet les migrants parlentde nombreuses difficultés et abus physiques, cas de violence psychologique notamment de la part d’employeursd’abus, confiscation de documents d’identité, etc. ;
Durantla dernière décennie, les nomades ont développé dans cette partie du Sahara, un espace transnational d’échange au sein duquel les frontières entre légalité et illégalité, entre commerce, contrebande et migration se brouillent. Ce business organisé autour de la frontière consiste à organiser et assurer le transport de passagers et de biens dans toute la région. En cela, il représente pour eux une niche économique importante malgré l’insécurité géopolitique dans le Sahara et le Sahel, cette activité connaît de nouvelles conditions et de nouveaux défis.
Sur la base d’un accord entre les autorités nigériennes et algériennes relatif au renvoi des migrants irréguliers du Niger, un nombre élevé de femmesdu département de Kantché, au Sud-Ouest de la région de Zinder, une zone appelé aussi 3M (Magaria, Mirriah, Matameye) qui s singularise par la féminisation des mouvements migratoires sur l’axe Kantché—Arlit—Algérie représentant de nouveaux défis pour la protection des personnes : exploitation, agressions, abus, victimes de traite de personnes accidents de voyage, déscolarisation des enfants, mendicité, etc.
La mendicité et la prostitution sont leur principale source de revenus en Algérie ; nombreuses mineures sont contraintes de mendier ou d’exercer d’autres activités illégales .A travers les centres de transit et d’assistance, l’OIM fourni aux migrants vulnérables en détresse au Niger une assistance incluant :accueil, enregistrement, hébergement, aide alimentaire, articles de première nécessité, soins médicaux, soutien psychosocial, retracement des liens familiaux, retour volontaire vers la ville/pays d’origine et réintégration socioprofessionnelle dans la communauté d’origine.
Au niveau national, l’assistance humanitaire de l’OIM en faveur des migrants vulnérables au Niger cible les migrants retournés, bloqués ou volontaires en transit au Niger et couvre le territoire à travers quatre centres de transit et d’assistance pour les migrants, localisés sur les principaux points d’entrée du pays : Dirkou, Arlit.
Les questions de développement ont de tout temps été prises en compte dans les actions des sociétés minières. Le respect et la protection de l’environnement sont depuis toujours au premier plan des valeurs. Mais dira un ancien de la COGEMA le combat contre la désinformation est difficile, épuisant et ingrat.’’ Ce que nous avons fait au Niger, fut et demeure une magnifique réussite technique, industrielle mais aussi humaine’’. Les sociétés minières ont toujours répondu aux sollicitations des populations.
C’est ainsi que l’État nigérien a bénéficié, d’importants investissements notamment : la route Tahoua-Arlit, 600 km de bitume, entièrement financée par les sociétés minières ;la centrale électrique Sonichar, alimentant les sociétés minières et la région, alimentée par les gisements de charbon de la région d’Anou Araren découverts en 1964 par les équipes du CEA ;l’école des mines de l’Aïr, EMAÏR, qui a permis de former plusieurs centaines de techniciens nigériens dont les meilleurs ont ensuite été envoyés dans des écoles d’ingénieurs à l’étranger .
Le CEA a mis en place d’autres projets de coopération notamment à Niamey le Laboratoire des radio-isotopes et l’ONERSOL, laboratoire d’étude de l’énergie solaire ; la formation professionnelle au sein des entreprises a été également une belle réussite qui a permis la « nigérisation » presque complète de l’encadrement des sociétés minières etc.
L’exploitation des gisements dans le désert nigérien n’a pas seulement permis le développement de l’industrie nucléaire en France. L’activité minière a permit dès 1988 à Arlit de disposerd’un aménagement hydro-agricole que le partenaire français avait remis aux autorités nigériennesen janvier 1986. L’aménagement hydro-agricole d’ArlitAMIDAR initié et financé par les sociétés minières peut être classé parmi les autres projets de développementdu groupe AREVA et de ses filialesqui exploitent l’uranium dans la région.
L’aménagement hydro-agricole d’Arlit AMIDAR,faut-il rappeler fut proposé en 1976 au président du Niger Seyni Kountché par André Giraud, alors administrateur général du CEA et président de COGEMA devenue aujourd’hui AREVA.
En s’inscrivant dans la politique de l’autosuffisance alimentaire prônée par les autorités nigériennes de l’époque, le projet AMIDAR d’agriculture en milieu désertique fut un magnifique succès, produisant en abondance des variétés céréalières, fruits et légumes non pas exclusivement pour les zones minières mais également pour le pays.
Le groupe français avait mis d’énormes moyens matériels et financiers pour les cultures sous serres climatisées et la mécanisation de l’agriculture offrant de nombreux emplois et des opportunités de partage d’expériences entre les techniciens français et nigériens du domaine agricole.
AH/AMC/ANP/MAI 2016