Agadez, 4 août (ANP)-Expression d’un héritage socio- culturel jalousement conservé dans l’Aïr, la fête du Bianou a pris fin ce samedi dernier dans la grande cour de sa Majesté, le Sultan de l’Air Oumarou Ibrahim Oumarou.
Ce sont des centaines de jeunes, femmes, hommes habillés de leurs meilleurs atours de fête qui ont rivalisé de danses et de fairplay qui donnent au Bianou toute la dimension socioculturelle qu’il renferme et ce depuis la nuit des temps.
Avant leur arrivée au sultanat, les festivaliers ont fait un bref crochet à la résidence de l’autorité politique et administrative.
Le Bianou est une fête à caractère culturel et religieux qui n’existe nulle part au Niger qu’à Agadez. Cette fête se déroule aussi bien à Agadez qu’à Arlit, Ingall.
Selon les traditions orales, cette fête est organisée pour commémorer le jour de la naissance du Prophète Mohamed (S.A.W), la grande manifestation culturelle de l’Aïr commence le 10 du mois Moharam,un mois après la fête de Tabaski appelé aussi mois du Bianou .L’origine de cette fête dont l’histoire remonte à la nuit des temps symboliserait aussi la manifestation de joie après l’arrêt des pluies diluviennes et le jour où l’arche de Noé s’est posé sur le mont Ararat (5 165 mètres d’altitude) à l’extrême-Est de la Turquie après le déluge.
Certaines personnes estiment que cet évènement culturel célèbre l’accueil réservé au prophète Mohamed (S.A.W) par les habitants de Médine, lors de l’hégire en 622.
On pense aussi qu’il s’agit de la commémoration des victoires guerrières du temps des guerres saintes.
La ville entière et ses environs célèbrent cette manifestation culturelle et religieuse aux allures carnavalesques. Femmes, hommes, jeunes et personnes âgées paradent dans les grandes artères d’Agadez sous les rythmes endiablés des ‘’Akanzam’’ sortes de petits tambourins et du ‘’Tambari’ ’grand tambour guerrier. Deux groupes de danseurs, dont ceux du quartier Est et Ouest de la ville, chacun à sa tête un ‘’tambari’’ animent la Bianou, la grande fête de la musique, de la danse et de la beauté.
Des jeunes habillés de boubous bleu, blanc, arborant le turban auréolé de blanc et de noire vif surmonté d’une bande d’étoffe indigo en forme de crête de coq, portent fièrement leurs sabres, des poignards, de lances et par-dessus leurs grands boubous, de larges ceintures décorées marchent, dansent au rythme endiablé de leurs instruments de musique : les grands tambours de la guerre, les tambours du Bianou.
La beautés de jeunes filles s’exprime lors du Bianou où celles-ci sont maquillées avec art, parées de bijoux en or et argent, habillées de pagnes et foulards bleus, noirs, de chemises d’un blanc ou noir éclatant ornées de galons aux motifs rouges des agadésiennes .Elles marchent en suivant les danseurs, la tête protégée de petits et larges parapluies aux couleurs chatoyantes
Quand la fête atteint son paroxysme, ce sont des centaines de personnes qui sautent, dansent et virevoltent dans une sorte de procession guerrières où malgré la multiplicité des instruments et des tonalités, les sons s’harmonisent pour donner un cachet très particulier à la musique du Bianou.
Lors des rencontres qui se tiennent dans des endroits bien déterminés des quartiers de la ville,, les deux groupes de l’Est et de l’Ouest ne tarissent pas en défis somme toute estivales.
Autrefois la rencontre des deux groupes dégénérait en affrontements, assez souvent violents et sanglants.
De nos jours avec l’évolution des temps, l’ouverture d’esprit, la promotion de la paix et de la tolérance, la fête se passe dans toute la joie et l’allégresse partagées avec tous les résidents et non-résidents d’Agadez, dans un climat de communion, de pardon et d’unité avec tous les nigériens sans distinction de race ou de religion.
Le 9 du mois Muharram, toute la ville participe au Marétchan-n-Ado ou la soirée de la beauté.
Arborant leurs plus beaux habits, les deux divisions des quartiers précités rivalisent de sons et de danses.
La nuit tombée, les danseurs célèbrent la nuit de la consécration et vont festoyer à Alarcès (à 5 km au nord) de la ville.
Le lendemain aux environs de 9 heures, les fêtards regagnent la ville en dansant, chantant, agitant des branches de palme prélevées aux bordures du Kori Telwa et des bannières d’étoffe multicolores. Toute la ville converge pour l’accueil des deux grands cortèges qui parcourent toutes les rues pendant cette journée, dite Daouka Tchizdayen (la prise des palmes de dattier).
Mais préalablement une première escale est faite non loin de la garnison d’Agadez en souvenir peut-être de la bataille engagée par les troupes du Sultan Tagama et Kaocen face aux militaires français, une autre légende sur la place des martyrs de la répression française de 1916 -1917 ou furent massacrés à l’époque les habitants d’Agadez.
Un bref crochet à la résidence de l’autorité politique et administrative locale et enfin la grande fête de chants et de danse se passera dans l’enceinte de la cour de sa Majesté le Sultan de l’Air Oumarou Ibrahim Oumarou.
De jeunes, femmes, hommes rivaliseront de danse et de leurs meilleurs atours de fête.
Quand la fête atteint un certain niveau, les femmes, les hommes d’un certain âge suivent les rythmes du Bianou , balançant la tête, essuyant en certains moment les larmes de joie, de fierté et de réconfort se souvenant des moments si précieux de leur tendre enfance dans cette cité qui les a vus grandir et se prospérer sous les regards de patriarches.
Après le sultanat, la fête se poursuit dans toutes les artères de la ville. Les groupes de danseurs rendent alors des visites à des dignitaires, aux personnes âgées qui ont marqué le Bianou et qui leur ont relégué ce lourd héritage culturel et religieux qu’ils doivent préserver et pérenniser pour les générations futures.
Dans le commun des agadésiens, on dit qu’il est difficile de ne pas être sensible aux rythmes du Bianou, une fête qu’ils ont dans leur sang.
La fin du Bianou correspond à l’Achoura, dixième jour de l’an musulman.
AH/AS/ANP 035 août 2023