NIAMEY, 10 Février (ANP) – La deuxième édition du Festival du Livre Africain de Marrakech bat son plein suivant une programmation assez riche et variée, à la grande satisfaction des organisateurs et surtout des participants.
Ces derniers l’ont fait savoir à nos confrères de la MAP, qui ont notamment pu rapporter les propos de l’une des quatre co-fondateurs de l’événement, l’enseignante universitaire à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Marrakech Hanane Essaydi, pour qui le FLAM constitue une occasion idoine pour réfléchir à une nouvelle universalité à partir de l’Afrique.
En effet, a-t-elle expliqué lors de la séance inaugurale de cette deuxième édition, « il s’avère aujourd’hui important de réfléchir, dans un esprit d’ouverture, au futur de l’humanité à partir du Sud auquel nous appartenons, mais sans exclure aucun partenaire ou interlocuteur ».
Selon Mme Essaydi, le FLAM permet aux auteurs du continent africain et ceux issus de sa diaspora de se rencontrer sur une terre africaine et de discuter des enjeux, des problèmes et des défis à relever, notamment dans un contexte marqué par la montée de la haine et des divisions dans le monde d’aujourd’hui.
L’universitaire a ensuite souligné que « l’avenir de l’humanité est un horizon qui reste à bâtir avec la participation de tous sans l’exclusion d’aucun partenaire ».
Prenant en compte cette époque charnière de l’écriture en Afrique, Mme Essaydi a annoncé que le festival dispose d’un projet pour bâtir l’Afrique de demain, “fondé sur nos forces communes et les valeurs de connaissance mutuelle et d’acceptation pour construire l’avenir ensemble », et pour lequel les jeunes ont un rôle central à jouer.
Elle a enfin insisté sur le fait que le FLAM aspire à réconcilier les jeunes avec le livre et la lecture, tout en leur faisant découvrir la richesse et la diversité mais aussi le dynamisme de cette littérature émanant du continent, et qui est diffusée à travers le monde, avec la contribution de l’ensemble des auteurs africains qui font partie intégrante de cette dynamique mondiale.
Dans la suite logique de cette volonté de redonner à la littérature africaine un rôle majeur face aux défis actuels du continent, plusieurs autres orateurs ont souligné le rôle éminemment important que peut jouer la littérature africaine notamment dans la « résistance » au colonialisme d’hier et à l’extrémisme d’aujourd’hui.
L’objectif est d’inciter les écrivains et les artistes africains à dénoncer les excès du colonialisme dans le passé et ses répercussions dans le présent, tout en affrontant les vagues d’intolérance et de haine qui touchent actuellement différentes régions du monde.
« En fait, nous sommes toujours colonisés, notre histoire est écrite par les autres. Il est temps que nous nous approprions notre espace collectif et récupérions nos archives volées », a déclaré le poète haïtien Rodney Saint-Éloi.
Pour lui, le récit « constitue une sorte de résistance contre le système de manipulation et de mensonge qui veut s’imposer au monde, et un moyen de cultiver l’espoir pour s’assurer, nous les Africains, une meilleure place dans l’avenir ».
Même son de cloche chez l’écrivain et journaliste marocain établi aux Pays-Bas, Abdelkader Benali, qui a mis l’accent sur la montée en puissance de l’extrême droite dans le monde d’aujourd’hui, en particulier dans les pays occidentaux, insistant sur le devoir des écrivains africains de défendre leurs identités avec discrétion et d’être fiers de leurs racines.
À cet égard, Benali a souligné la nécessité d’établir une « réconciliation sérieuse » entre l’Europe et l’Afrique en s’appuyant sur l’histoire et les archives partagées, relevant, d’autre part, l’importance de la littérature comme étant « notre mémoire commune et notre moyen de plaisir et d’expression de l’unité ».
Pour la romancière franco-ivoirienne Véronique Tadjo, le monde d’aujourd’hui est rempli d’incitations à l’intolérance. « Notre pari est de consacrer l’importance de l’écoute de l’Autre, en promouvant l’image et les contributions des migrants dans leurs pays d’accueil, plutôt que de les rejeter », a-t-elle dit, tout en reconnaissant le fardeau de la mémoire collective africaine, accablée par l’héritage du colonialisme et les histoires de génocide, sur la mémoire personnelle, qui a du mal à s’exprimer.
De son côté, l’écrivaine jamaïcaine basée au Niger, Antoinette Tidjani Alou, a estimé que « l’histoire coloniale ne se réfère pas seulement à la domination de l’homme blanc sur l’homme noir, mais aussi sur l’homme blanc ».
« Nous avons besoin de respirer à travers les pages des livres, des photographies et des peintures pour s’ouvrir sur le monde, et d’assurer la responsabilité de transmettre notre histoire à nos enfants », a-t-elle dit.
Véritable rendez-vous rassemblant des écrivains, des penseurs et des intellectuels d’Afrique, de ses diasporas et de ses descendants, le FLAM a été fondé par Mahi Binebine (écrivain et artiste plasticien), Fatimata Wane-Sagna (journaliste), Hanane Essaydi (universitaire) et Younès Ajarraï (entrepreneur culturel).
Porté par l’association « We Art africains », le FLAM se veut une célébration éloquente de la littérature et de la culture africaines.
Ouvert à tous les publics et à tous les âges, ce festival qui se poursuit jusqu’au 11 février dans la Cité ocre, est à accès gratuit, dans tous les sites d’accueil. La finalité étant de rapprocher la culture et l’art aussi bien des passionnés que de ceux qui s’en sentent éloignés.
Pour cette deuxième édition du festival, la programmation propose des thématiques inscrites dans l’actualité scientifique et éditoriale de l’Afrique, de ses diasporas et consacre une place particulière à la réactivation et à la consolidation des mémoires et des liens indéfectibles qui unissent tous les Africains partout où ils se trouvent.
KPM/SML/ANP/ 057/Février 2024