Niamey, 30 juillet (ANP)- Le développement du secteur des télécommunications au Niger a ouvert la voie au ‘’Mobile Money’’ ou service de transactions financières via les téléphones portables, considéré comme un outil d’inclusion financière au Niger, un pays sous bancarisé.
Selon les opérateurs, ce service permet aux utilisateurs de stocker, envoyer et de recevoir de l’argent à l’aide de leur téléphone mobile. Il offre également la possibilité d’acheter des articles en magasin ou en ligne, payer des factures, régler des frais de scolarité, recharger de crédit de communication mobile ou encore faire son réabonnement des chaînes de télévision.
On parle souvent de « portefeuille mobile » ou du nom d’un service spécifique comme Airtel Money ; Flooz ou Moov Money ; Bukata pour Niger Télécoms ou Orange Money pour l’opérateur Zamani Niger. Les utilisateurs peuvent également retirer de l’argent chez les agents agréés qui sont des revendeurs.
Selon ces derniers, le service séduit de façon progressive les Nigériens et se positionne comme un secteur plein d’opportunités pour eux, en tant que les revendeurs.
Ouwani fait partie de ces vendeurs. Chez elle, les clients peuvent rechercher leurs comptes ‘’Mobile Money’’ pour payer, par exemple, leur facture d’électricité eux-mêmes, s’ils ont le compte adéquat ou au cas contraire elle le leur fait avec le compte ‘’Mobile Money’’, ce qui lui fait gagner une commission.
« Je gagne ma vie avec ce business. Mes recettes mensuelles tournent généralement autour de quatre à cinq millions de francs CFA », confie-t-elle à l’ANP.
« Auparavant, mon bénéfice, correspondant à ma commission, était de 1% de ma recette. Mais aujourd’hui des changements sont intervenus. Je dois, en effet, partager ce bénéfice avec mon fournisseur qui est à la fois un grossiste du produit et l’intermédiaire entre nous, détaillants, et les opérateurs de téléphonie », explique-t-elle.
« Tout de même, poursuit-elle, nous gagnons notre vie avec cette activité. Les clients viennent de plus en plus chez nous, car nous leur donnons satisfaction. Certains sont tellement habitués à nos services qu’ils ne vont plus aux caisses des sociétés d’eau ou d’électricité pour payer leurs factures même s’il n’y a pas de queues devant les caisses »
Michel Nouari, un est fidèle utilisateur de ce mode de paiement.
« J’utilise ce service de transaction financière pour mon abonnement d’électricité. Mais je rencontre des difficultés quand je le fais moi-même, c’est pourquoi je viens chez ces distributeurs pour le faire », témoigne-t-il ajoutant préférer ce mode de paiement au mode classique qui prend généralement plus de temps avec les files devant les caisses ».
Au vu de l’accessibilité et de la facilité qu’il offre, en plus d’autres avantages, le Mobile Money est considéré par les économistes comme outil d’inclusion financière au Niger.
« On peut considérer que les services financiers offerts par les compagnies de téléphonie mobile participent à l’approfondissement de l’inclusion financière (…) leurs activités améliorent l’accès aux services financiers donc pris en compte dans le calcul du taux global d’utilisation de services financiers », indique à l’ANP Dr Ali Rabiou, spécialiste de l’inclusion financière.
Expliquant l’inclusion financière, il indique en citant l’Alliance de l’Inclusion financière (AIF) que « l’inclusion financière suppose la création d’un système financier formel qui offre, y compris aux populations à faible revenu, une gamme variée de services financiers ».
Il existe plus de 270 services de portefeuille mobile différents dans le monde, bien qu’ils soient plus populaires en Afrique, en Asie et en Amérique latine, note-t-on.
Dans certains pays, le portefeuille mobile est une alternative populaire à la fois aux espèces et aux banques, car il est facile à utiliser, sécurisé et peut être utilisé partout où il y a un signal de téléphonie mobile.
Mais selon le consultant nigérien, le »Mobile Money’’ ne constitue pas une concurrence pour les banques, mais plutôt un prolongement.
« ils offrent des services financiers, offerts par les banques mais avec des caractéristiques différents, notamment la taille ou la nature de ces services qui sont des services de proximité. Ils ne sont pas concurrents des banques du moment où leurs activités se déroulent dans le cadre d’un partenariat avec les banques de la place. En effet, les opérateurs de la télécommunication offrant ces services sont au nombre de trois en ma connaissance. Et elles exercent comme clients des banques, auxquelles elles prolongent plus leurs activités, je crois », souligne-t-il, avant d’indiquer « donc n’étant pas des banques, les activités financières de ces opérateurs n’est pas pris dans le calcul de taux strict de la bancarisation ».
« En somme, entre la bancarisation dont le taux est de 6,75% et l’inclusion financière dont l’indice synthétique est de 0,236 (pour une valeur comprise entre 0 et 1), il y a bien une différence », précise-t-il.
Interrogé par l’ANP sur l’existence d’une base juridique selon laquelle des compagnies de téléphonie mobile peuvent offrir des services de transactions financières comme le font les institutions financières, ce spécialiste répond en ces termes : « Oui, elles ont une base légale, notamment l’instruction du Gouverneur de la BCEAO et un mécanisme de suivi mis en place par la banque centrale ». Dans le même ordre d’idée, il évoque l’ « Instruction n°008-05-2015 régissant les conditions et modalités d’exercice des activités des émetteurs de monnaie électronique dans les États membres de l’union monétaire ouest africaine (UMOA) ».
Au Niger, le secteur de la téléphonie est cité parmi les secteurs économiques les plus performants.
Au cours de l’année 2020, les quatre opérateurs de téléphonie mobile et fixe ont cumulé un chiffre d’affaires de près 233 milliards de F CFA, selon l’autorité de régulation de la communication électronique et de la poste (ARCEP).
Ce chiffre d’affaires représente une augmentation de 6% par rapport à celui enregistré en 2019 qui était de 219, 5 milliards.
Au cours de cette même année, le taux de pénétration de la téléphonie mobile a été de 53,64%, soit une hausse de 1,74 point, par rapport à 2019, alors que l’accès global à l’internet qui est de 30,10%, a connu une progression de 5,57 points par rapport à l’exercice 2019, rappelle-t-on.
MSB/CA/ANP/Juillet 2021.