Niger, Les établissements d’accueil des sourds peinent à être audibles

Niger, Les établissements d’accueil des sourds peinent à être audibles

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Niamey, 31 Mai (ANP) – L’école (primaire) des sourds et le Collège inclusif de Niamey préparent chaque année des enfants sourds, la plupart issus des milieux défavorisés, à la vie professionnelle ou à des niveaux académiques supérieurs.

L’élan de cette mission qu’accomplissent passionnément les personnels des deux écoles est souvent freiné par plusieurs lacunes comme, l’insuffisance de matériels pédagogiques et didactiques et d’infrastructures, mais aussi par l’absence de programmes académique prédéfinis auxquels s’ajoutent d’autres entraves.

Face à ces difficultés, les enseignants des deux écoles font preuve au quotidien de créativité et de résilience pour frayer la voie de réussite à des apprenants handicapés et majoritairement défavorisés.

Les deux écoles sont situées au quartier Couronne-Nord de la capitale, partagent les mêmes locaux. Malgré leurs similitudes dans la prise en charge des enfants malentendants et les problèmes auxquels elles sont confrontées, les deux établissements n’ont pas exactement les mêmes cahiers de charge, précise-t-on.

Alors que le collège inclusif de Niamey prend en charge à la fois des élèves sourds et des enfants souffrants d’autres formes de handicap (aveugles, déficitaires mentaux, handicapés locomoteurs…) et des enfants bien-portants, l’école des sourds prend en charge, quant à elle, exclusivement les enfants sourds et/ou muets.

Cette dernière est créée en 1981 par l’association des sourds du Niger.

Seybou Hassane Banaba, Directeur de l’établissement qui compte, pour l’année académique 2021-2022, douze (12) enseignants et 180 élèves, dont 69 filles.

Ces enseignants n’ont pas tous une formation de base en enseignement spécifique des sourds, ils se sont formés sur le tas, renseigne-t-il. C’est d’ailleurs son cas.

« Je suis ici depuis 2005 et je n’ai pas un diplôme spécifique pour enseigner dans cette école. Tout ce que j’ai capitalisé, c’est vraiment avec des formations séquentielles et des voyages d’étude souvent sanctionnés par des attestations. C’est ce qui constitue actuellement mon expérience. C’est pareil pour tous les autres enseignants », fait savoir M. Seybou.

« C’est-à-dire que nous sommes des enseignants du domaine ordinaire qui sommes venus ici à la faveur des affectations. C’est étant mis au service de l’école que beaucoup d’enseignants ont sollicité être formés dans la langue des signes », explique l’enseignant- administrateur.

Le cursus scolaire dans cette école spécialisée a une durée de sept (7) ans, contrairement aux écoles primaires ordinaires où la durée est de six (6) ans.

L’une des différences avec les écoles ordinaires « est qu’ici le CI (classe initiale, ndlr) dure deux ans. La première année, c’est un CI qui est à cheval entre le jardin d’enfant le CI proprement dit. C’est aussi une classe de bain linguistique », explique M. Seybou.

Mais l’enseignement des enfants handicapés sensoriels demande non seulement des enseignants qualifiés, mais aussi des matériels spécifiques et des infrastructures adéquates.

« Il y a une insuffisance des matériels », regrette Seybou Bana, avant d’expliquer que « les élèves sourds utilisent tous les matériels que les élèves bien entendants. Ce qui est spécifique, ce qu’à notre niveau nous utilisons le dictionnaire de langue de signes, le comptage en langue de signes, les miroirs que nous utilisons pour faire l’orthophonie permettant à l’apprenant de faire la lecture labiale et les appareils auditifs pour les mal entendants».

Harou Lawali est le Directeur du collège inclusif, une école ouverte en novembre 2020.

« Le collège a été créé pour venir en aide aux enfants sourds et autres apprenants souffrant d’handicaps divers qui ont débuté dans le cycle secondaire dans des collèges d’enseignement général, mais malheureusement qui échouaient du fait que le programme n’est pas spécialisé et l’environnement social ‘’un peu hostile’’ », explique le chef de l’établissement secondaire.

Le collège inclusif de Niamey compte 120 élèves, dont 45 malentendants, dont 18 filles et 17 garçons. Les 75 autres élèves composés des non-voyants, des handicapés locomoteurs et des enfants avec d’autres besoins spécifiques.

Au Niger, indique-t-on, il existe trois écoles primaires des sourds, Celle de Niamey, celle de Zinder et celle de Maradi. Ce qui n’est pas du collège inclusif de Niamey, qui est unique en son genre dans tout le pays.

Monsieur Harou Lawali, Directeur de cet établissement scolaire hors pair se plaint du manque d’infrastructures pour son école, qui est obligée d’utiliser celles créées et prévues pour la seule école primaire.

« Je souhaite vivement la création d’autres centres comme le nôtre, ainsi le renforcement des capacités surtout infrastructurelles de celui-ci, notamment la création d’un bloc administratif, la construction des toilettes », plaide-t-il, car selon lui, « les équipements qu’utilise le collège inclusif appartiennent à l’école primaire ».

Le directeur du collège souhaite également que son établissement soit équipé d’une « salle informatique et une bibliothèque ».

Il lance par ailleurs un cri aux autorités afin qu’elles arrêtent les « affectations des enseignants qualifiés pour l’encadrement de leurs élèves.

« Mon autre souhait et qu’il n’y ait pas d’affectations anarchiques des enseignants qui ont le bagage intellectuel pour enseigner ces élèves sourds. Parce que les précédentes affections des enseignants qualifiés de ces écoles vers d’autres écoles ont négativement affecté le bon fonctionnement de nos écoles ».

Un autre vœu de cet ancien enseignant du collège d’enseignement général est qu’il ait « la formation continue en langue de signes des enseignants pour une meilleure prise en charge de ces apprenants ».

« Nous avons tous les enseignants pour toutes les matières, Mais seulement, c’est un (1) seul enseignant dans chaque matière par niveau. Or il y a des matières qui nécessitent plus d’un enseignant par niveau vu le nombre important des élèves », ajoute l’administrateur du collège.

« Nous comptons sur l’appui de l’Etat et des partenaires pour la construction des dortoirs pour pouvoir accueillir les enfants de l’intérieur du pays », lance-t-il.

Une autre difficulté à laquelle sont confrontés les personnels des deux écoles, c’est la gronde de certains parents d’élèves et des élèves entendant qui pensent qu’ils sont retardés dans leur cursus scolaire du fait qu’ils partagent « les mêmes classes que les sourds », car disent-ils « l’enseignement des sourds nécessite beaucoup plus d’explications ».

« Mais je puis vous rassurer que ceci constitue un véritable avantage pour tous les élèves. Et l’expérience a démontré que les classes qui ont des élèves sourds enregistrent les meilleures notes en mathématiques, et la raison est toute simple, c’est parce qu’il le système de répétitions. Cela permet aux élèves de mieux comprendre que ceux des autres classes », explique le fonctionnaire de l’enseignement secondaire.

Cursus scolaires limité et problématique de l’emploi

Avec un cursus scolaires limité, du fait que la chaine de formation spécialisée s’arrête au niveau du collège, les diplômés sourds doivent également évoluer dans des secteurs professionnels très restreints, car ils ne sont recrutés dans tous les secteurs de l’emploi. En plus de cette restriction, il faut souligner qu’ils sont embauchés en petit nombre.

« De 1980 à 2007, le plus grand niveau d’un élève sourd, c’était la classe de CM2. Quand nous sommes arrivés durant l’année 2005-2006, nous avons constaté cette injustice, nous nous sommes dit pourquoi eux sont limités à la classe de CM2. Nous avons ainsi révolutionné la situation », raconte M. Seybou, le Directeur de l’école des sourds.

« Ce qui fait qu’en début de l’année 2007-2008, nous avons préparé la première promotion des élèves candidats au CFEPD. Sur les 9 candidats qui se sont présentés, 6 étaient admis et étaient partis au collège. Mais malheureusement les collèges qui les avaient accueillis n’étaient pas préparés, et ces élèves sourds étaient obligés de sacrifier (sécher) l’année. Les enseignants n’arrivaient pas à communiquer avec eux, à plus forte raison leur expliquer les cours. Ce qui a fait en sorte qu’ils reprenaient les classes et ils redoublaient », se souvient-il.

« Quelques années plus tard, l’école a présenté des élèves au BEPC. Deux de ceux qui ont réussi sont allés faire l’informatique et il y a certains qui sont partis au lycée. Je connais au moins un parmi ces deniers qui a abandonné. Et d’autres avaient continué et je connais parmi eux des bacheliers. Ils sont actuellement à l’Africain Developpemnt University (ADU de Niamey) », renseigne-t-il.

« Maintenant pour les autres, déjà à partir du CM2, tu deviens fonctionnaire. Certains sont devenus des agents d’assainissement et d’hygiène dans les services publics, notamment dans les services de santé. D’autres sont devenus des enseignants, recrutés à la fonction publique à la faveur du quota réservés aux personnes handicapées dans le cadre des recrutements », fait savoir M. Seybou.

Au Niger, il existe une loi qui institue un quota d’embauche des personnes handicapées sans concours dans le cadre des recrutements. Ce quota, précise-t-on, concerne aussi bien le secteur public que le secteur privé.

M. Seybou reconnait que « L’Etat respecte bien le quota (…) c’est le secteur privé qui ne respecte pas le quota ».

« Il y a des institutions privées qui pont plus de 300 agents, mais dont aucun n’est handicapé », se justifie-t-il.

Ce manque est souvent justifié par des préjugés à l’égard de cette catégorie de personnes, explique Seybou Hassan Banana.

« Les employeurs pensent que les sourds ou tout simplement les handicapés sont incapables telle ou telle chose », commente-t-il.

Mais « peut-être que ce handicapé est plus utile que la personne bien portante dans le domine demandé », explique-t-il, tout en soulignant qu’il faut « aussi surtout comprendre qu’en dehors du déficit intellectuel, le handicap n’est pas dans la tête. C’est juste physique ou sensoriel. Donc, il ne faut pas que les gens les sous-estiment ».

Les médias, en tant que canaux d’information, constituent également des sources d’apprentissage, d’éducation et d’instruction pour les populations. Or au Niger les médias médiatiques, sauf pour des rares cas, n’ont pas des programmes dédiés ou accessibles aux personnes malentendant. Leurs points de vue ne sont jamais demandé par les professionnels de la presse.

« Nous sommes dans une société qui se veut inclusive. Or on ne peut pas parler de société inclusive si une couche de la société est marginalisée ou quand le point de vue de cette frange de la société n’est pris en compte. Donc il n’y a pas d’inclusion, c’est une exclusion. Nous l’avons constaté amèrement l’insuffisance de la prise en charge des préoccupations des personnes handicapées par les médias », déplore Seybou Hassan Bana.

Mais malgré les difficultés liées à leur apprentissage, les élèves de ces écoles se montrent très résilients et optimistes.

Hali Aghali est une élève sourde en classe de 6ème au collège inclusif. Son rêve est de devenir enseignante.

« Après mes études, j’aimerais devenir enseignante. C’est important pour moi car je veux aider les sourds. Je les aime beaucoup », explique—t-elle dans la langue des signes, selon la traduction de l’un de ses enseignants.

Alhouddouni Abdou, un autre élève sourd en classe de 6ème souhaite devenir médecin. Cet élève malentendant a eu 14/20 de moyenne à l’issue de la dernière composition et occupe le 2ème rang de sa classe, une classe pourtant composée des élèves sourds et des élèves bien entendants.

« J’aimerais devenir Docteur pour servir de modèle aux sourds et les encourager à étudier, mais aussi pour m’occuper d’eux quand ils sont malades », indique en langue de signes le jeune handicapé sensoriel.

« Ma matière préférée est les mathématiques, car il y a plus de démonstrations et moins de discours », souligne-t-il.

MSB/SML/ANP/210/Mai 2022.

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