Niamey, 1er Novembre (ANP) – Les accouchements hors maternité présentent des risques importants tant pour l’enfant que pour la mère. Au Niger, pays où la santé de la mère et de l’enfant occupe une place prépondérante de la politique gouvernementale, les autorités sanitaires insistent sur l’accouchement dans des structures de santé.
Mme Alassane Safiatou, sage-femme à la retraire explique la dangerosité d’accoucher à la maison : ‘’Un accouchement à domicile, c’est comme son nom l’indique, hors de toute structure médicale, donc sans assistance médicale’’, cela peut engendrer des conséquences pour la mère qui peut faire une hémorragie et mourir de celle-ci’’.
Et la professionnelle d’enchainer : ‘’En général on dit qu’une femme qui accouche et qui saigne, subissant une hémorragie de plus de 2 heures est irrécupérable. Elle peut contracter une infection, parce que ce n’est pas dans un milieu stérilisé. Donc elle peut s’infecter et elle pourra mourir de cette infection’’.
L’accouchement non assisté présente aussi de risque pour ‘’le fœtus qui pourrait mourir dans l’utérus suite à un long travail’’, avertit l’agent de santé, faisant savoir que ‘’ce fœtus même s’il n’est pas mort, il peut venir avec circulaire du cordon qui pourra l’étrangler et le tuer en sortant.’’
Ajoutant : cela peut créer une procidence du cordon parce que la poche peut se rompre et le cordon peut sortir alors que la tête n’est pas bien descendue. Et quand la tête descend sur le cordon, il peut aussi mourir et on dit que c’est un mort-né frais’’.
Une gynécologue en service à la Maternité de référence Issaka Gazobi de Niamey, sous couvert de l’anonymat, détaille que ‘’l’accouchement à domicile est un danger pour la mère ainsi que pour l’enfant, parce que cela peut leur causer d’énormes complications comme la déchirure de l’utérus, l’hémorragie post parfum, les douleurs abdominales aigues qui peuvent se manifester dans le bas-ventre de la femme pendant les jours qui suivent l’accouchement’’.
Et la spécialiste d’enchainer : ‘’Pour ce qui est du nouveau-né, le cordon ombilical peut s’accrocher au cou du bébé au moment de l’accouchement et ceci peut être très fatal pour l’enfant sans l’aide d’une sage-femme’’.
Au Niger pays à forte dominance musulmane et pauvre, des facteurs socio-culturels et économiques – ignorance, croyances, fatalisme, faible pouvoir économique-, un déficit des structures et des professionnels expliquent la persistance du phénomène des accouchements hors des formations sanitaires, en croire les observateurs.
Faute de moyens ou exclues du système des soins, des nombreuses femmes se rabattent sur des accoucheuses traditionnelles ou des médicaments de la pharmacopée. Et souvent au péril de leur vie et celle de leurs enfants.
Binta, 50 ans, habitante au quartier Kossay à Niamey officie à la périphérie de la capitale comme accoucheuse.
Elle affirme n’avoir pas suivi de formation, mais plutôt se rapprochait des sages-femmes au moment des accouchements, et c’est à travers ça qu’elle avait appris à faire ce métier depuis plus de 20 ans.
Et la praticienne de se glorifier : ‘’Je n’ai jamais eu de problème avec les femmes, ni avec leur nouveau-né, parce que des fois, j’utilise des produits traditionnels qui peuvent les aider en plein travail’’, affirme-t-elle
‘’Avant dans une journée, 3 ou 4 femmes viennent accoucher chez moi, mais maintenant avec les sensibilisations dans les quartiers et dans les centres de santé, les femmes ne viennent pas et parfois je peux faire plus d’un mois sans avoir aucune femme’’, regrette-t-elle.
Le cas de Mme Moumouni Haraira, une habitante à Niamey est illustratif de la situation des milliers des nigériennes condamnées à accoucher à domicile pour une question de réticence ou de moyen.
Cette jeune femme a perdu son premier enfant au cours d’un travail à domicile aussi pour avoir négligé les consultations prénatales, mais aussi parce qu’on lui a refusé d’aller accoucher dans un centre de santé.
En effet, lorsque sa première grossesse a atteint un niveau avancé, la jeune femme avait continué à vaquer à ses occupations quotidiennes sans se préoccuper pour le suivi médical de sa grossesse.
Un jour, elle a eu des fortes douleurs au ventre, malgré quoi elle avait continué ses tâches domestiques, ignorant qu’il s’agissait du début du travail, elle pensait que ces douleurs étaient dues aux tâches ménagères auxquelles elle s’adonnait.
‘’Les douleurs redoublaient d’intensité et s’accompagnaient d’une perte de sang. Cela a duré toute une demi-journée et ce moment-là je me suis confiée à une amie qui lui m’a conseillée de me rendre dans un centre de santé, mais ma belle-mère s’y était opposée’’, a confié Mme Haraira.
‘’C’est comme ça que j’ai passé toute la nuit avec ces douleurs qui m’ont empêchée de fermer l’œil la nuit. Et j’étais seule dans ma chambre, parce que mon mari était en exode’’, se souvient-elle.
‘’Le saignement a persisté durant longtemps et ma belle-mère a fait appel à une matrone et un marabout du quartier pour m’assister dans l’accouchement’’, relate la jeune dame, encore transie d’émotions.
Finalement, ‘’ c’est ainsi que j’ai perdu mon premier enfant’’, c’est-à-dire ‘’à cause des saignements et du refus de ma belle-mère qui m’a empêchée d’aller au dispensaire comme l’avait suggéré mon amie’’, regrette-t-elle.
Unicef dans un combat pour une maternité sans risque au Niger
Selon le fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), la mortalité maternelle est forte en Afrique, et particulièrement au Niger.
Le taux de mortalité maternelle est de 509 décès pour 100.000 naissances vivantes.
Les projets travaillant pour une maternité sans risques au Niger ont du pain sur la planche, tant en milieu rural qu’en milieu urbain.
Selon l’institution onusienne, les conditions sont d’ailleurs très différentes dans ces deux environnements, l’accouchement en maternité est dominant à Niamey (mais non exclusif puisque 26% des femmes y accouchent encore à domicile), et l’évacuation relativement facile vers la maternité centrale en cas de complications par contre, dans les accouchements dans des centres de santé ruraux là où il en existe sous la responsabilité d’un simple infirmier, les sages-femmes sont concentrées dans la capitale, et sinon ; dans quelques villes secondaires avec d’énormes problèmes d’évacuations
Unicef aide le gouvernement à accroître la couverture et la qualité des services de santé maternelle, néonatale, infantile et adolescente, en particulier dans les zones les plus défavorisées et mal desservies, y compris celles touchées par les situations d’urgence.
Elle s’attèle en plus à renforcer la vaccination systématique dans tout le pays en mettant de nouveau l’accent sur les zones urbaines, les enfants en mouvement et les communautés difficiles à atteindre et élargir les services de santé communautaire, notamment par la création de la demande et l’autonomisation des gardiens et des communautés grâce à la communication sur le changement social et comportemental tout en soutenant les efforts de prévention de la transmission mère-enfant.
Selon l’organisme onusien, ‘’La santé est un des secteurs prioritaires du gouvernement parmi lesquels la réduction du taux de mortalité maternelle, la construction de nouvelles infrastructures conformément à la carte sanitaire, la lutte contre les maladies non transmissibles (diabète et hypertension), les ressources humaines, la création d’un fonds social élargi (enfants, femmes) comme prioritaires.
‘’Les principaux obstacles rencontrés par les populations dans l’accès aux services de santé sont l’accessibilité physique limitée des structures sanitaires, un coût des soins trop élevé pour les populations les plus pauvres. Une faible qualité des soins ainsi qu’une forte disparité de l’offre de soins entre les zones urbaines et les zones rurales’’, rapporte l’organisation internationale.
L’appel des professionnelles aux femmes enceintes
L’accouchement à domicile, ainsi que la négligence du suivi médical de la grossesse sont l’une des causes de la mort néo-natale et des femmes au Niger.
Pour sauver des vies, les professionnels de santé de la mère et l’enfant, ainsi que des femmes victimes de l’accouchement hors de centre de santé lancent des cris d’alerte
‘’Je demande aux femmes de se rendre dans les centres sanitaires dès les premières contractions utérines, ce serait meilleur. Parce que seuls la sage-femme, le gynécologue ou même l’infirmière peuvent aider les femmes à accoucher sans risque’’, lance la sage-femme à la retraite, Mme Alassane Safiatou.
‘’Nous conseillons vraiment aux femmes à se rendre directement dans les centres de santé dès les premières contractions pour y accoucher. Parce que nous sommes là pour les aider et cela peut réduire le taux de mortalité’’, suggère la gynécologue de la Maternité Issaka Gazobi.
Enfin Mme Haraira, lance un appel à l’endroit de toutes les femmes pour qu’elles se rendent dans les centres de santé les plus proches pour leur accouchement ‘’pour pouvoir sauver leur vie et celle de leurs enfants’’.
HA/CA/ANP 0009 Novembre 2022